Grinderman
Grinderman
Malgré un excellent double album (Abattoir Blues / The Lyre Of Orpheus) et une impressionnante collection de chutes de studio et de titres rares (B-Sides & Rarities), la carrière de Nick Cave et de ses Bad Seeds est rentrée ces dernières années dans une certaine routine qui n'a certes en rien entamé la détermination et la verve de l'Australien, mais qui l'aura par contre mis quelque peu à l'écart des projecteurs. Cette tendance devrait en toute logique s'inverser grâce à la sortie de ce premier album de Grinderman, projet moustachu et couillu pour lequel Nick Cave a fait appel à trois de ses plus fidèles acolytes au sein des Bad Seeds, à savoir Warren Ellis (guitare), Martyn Casey (basse) et Jim Sclavunos (batterie).
Si le précédent album du ténébreux Australien marquait déjà un retour – certes discret – à des sonorités plus rugueuses et rock, ce premier album éponyme de Grinderman (dont la genèse précède les sessions d’enregistrement de Abattoir Blues / The Lyre Of Orpheus) est une bruyante profession de foi qui voit Nick Cave délaisser le piano pour la guitare et son groupe nous emmener dans les recoins les plus sombres et marécageux qu'il lui ait été donner de côtoyer au cours de ces vingt dernières années. C'est dans cette envie incontrôlable de se laisser porter par des sonorités abrasives et de produire une musique féroce qu'il faut trouver la principale raison d'être de Grinderman. Il ne s'agit pas ici d'une formule édulcorée de Nick Cave & the Bad Seeds mais bien d'une formation possédant une identité propre – d'ailleurs les quatre membres du groupe ont participé au processus créatif.
Et bien que dans ses moments les plus calmes, cet album renvoie vers les travaux précédents de Nick Cave et de ses Mauvaises Graines (« Electric Alice, « Man in the Moon »), on tient dans l'ensemble un projet unique et tout bonnement exaltant. Sur la majorité des onze titres que compte l’album de Grinderman, nos quatre lascars maltraitent leurs instruments et replongent quelques décennies en arrière, à une époque où ils s'adonnaient plus que probablement à leurs méfaits dans un garage minuscule en fantasmant sur les disques des Stooges et du MC5. Ce mélange piquant de blues incandescent et de rock élégant se traduit par des titres aussi irrésistibles que le bien nommé « No Pussy Blues », « Depth Charge Ethel » ou « Honey bee (Let’s Fly to Mars)» . Habité d’une sauvagerie à laquelle Nick Cave ne nous avait plus habitué depuis bien longtemps, ce disque est un vrai régal et s’inscrit déjà comme un nouveau moment fort de la carrière du sombre bonhomme.