Green Language
Rustie
On ne présente plus Rustie: le jeunot a déjà séduit trop de stades en mal de trap bondissante pour qu'on s'autorise à vous servir sa biographie. Toutefois, s'il apparaît intouchable en live, on demeure partagé lorsqu'il s'agit d'émettre un avis sur son premier opus Glass Swords, un disque tapageur qui a toujours du mal à nous convaincre malgré le raz-de-marée critique qu'il a déclenché. Rustie désormais seul sur le trône de l'entertainment wonky laissé vacant par Hudson Mohawke, on ne demande qu'à l'entendre sur un album qui nous parle de bout en bout, plutôt que de briller le temps de quelques bangers. Et s'il y a incontestablement un pas en avant sur Green Language, tout les éléments ne sont pas encore réunis pour nous convaincre à 100%.
Car le moins qu'on puisse admettre, c'est que Russell Whyte a mis les formes pour son deuxième rejeton. A des kilomètres des digressions trance – au demeurant jouissives – de son prédécesseur, Green Language montre vite à quel point il est un produit admirablement travaillé, poncé, et verni. On sent que l’Écossais est sincère dans sa volonté de proposer du neuf, un album construit et esthétiquement sans fausse note, mais également agrémenté d'une certaine prise de risque - que l'écoute au casque ne rend que plus plaisante. Là où on revient rapidement sur Terre, c'est lorsqu'on constate à quel point le bougre exploite mal sa fantastique matière. Car, malgré cette formidable puissance de feu, il s'en sort péniblement avec le swag d'un casque bleu, et se casse souvent les dents à proposer de nouveaux territoires sans que ça ne paraisse au mieux stérile, au pire vain.
Et donc, au milieu de ce bousin où l'on se retrouve rapidement à faire son marché, on en vient à se demander si Warp n'y est finalement pas allé de sa petite directive pour que Green Language ressemble à un mauvais album d'Animal Collective. Parce que lorsqu'il s'agit de renouer avec ce qu'il sait faire de mieux, à savoir du banger chaloupé et un rien nerdy, impossible de ne pas sentir des papillons dans le ventre – une écoute des impeccables "Velcro" et "Raptor" vaut mieux qu'un long discours. Mais c'est surtout l'incroyable pertinence des nombreuses collaborations (du match-retour de Danny Brown jusqu'aux présences bienvenues de Gorgeous Children ou Redinho) qui nous fait souhaiter que l’écossais s'offre un jour le all-star album qu'il mérite. Parce qu'on se dit qu'une tripotée de featurings venus s'offrir un kif sur des beats qui semblent tout droit sortis de la Rainbow Road de Mario Kart, ça doit cogner sec.
Pour l'heure, autant ne pas prendre nos désirs pour des réalités: il apparaît difficile, sinon impossible, de ne pas reconnaître que Green Language aurait gagné à être plus épuré, moins pompeux, et à se contenter d'un format EP bien fourni plutôt que d'un format LP pas avare en égarements. Et à l'arrivée, force est d'admette que cette nouvelle fournée de Rustie a été la victime impuissante de l'attente démesurée. Ce qui ne le dispense pas d'être pourvu de jolis moments de bravoure, histoire de soigner nos esprits adolescents en mal de bangers fluorescents. Mais c'est une bien piètre consolation pour cette plaque qu'on s'imaginait être, avec bien sûr trop de précipitation, un plaisir coupable de rang olympique. La prochaine fois sera sans doute la bonne.