Gravity
Ben Lukas Boysen
Difficile de vous introduire à ce disque sans faire un détour par la case Hecq. Peut-être parce que, si des labels comme Hymen, Ad Noiseam ou Tympanik Audio sont les fers de lance de l’electronica 2.0 depuis une belle volée d’années, Hecq est lui-même l’espèce d’étiquette qui colle le mieux à ces nouveaux mouvements électroniques. Et vous l’aurez compris sans trop de mystère, le Ben Lukas Boysen, c’est lui, sous son vrai nom. Une histoire de pseudonyme qui cache en réalité quelques chose de simple et d’assez commun au demeurant: l’Allemand veut simplement casser le rythme de ses sorties en proposant quelque chose de plus intimiste, qui ne nécessiterait aucun masque, aucun filtre.
Pour ceux qui débarquent ici sans rien connaître à la (merveilleuse) discographie de Ben Lukas Boysen, on résumera le propos en disant que le Berlinois est la synthèse de tout ce qui fait aujourd’hui les nouveaux instincts electronica: ambient, musique neurochirurgicale, percussions au scalpel, dubstep de furieux. Si on était de mauvaise foi, on aurait pu dire que tout ceci se synthétise dans l’ultra buzzé « Sura », mais on ne le fera pas. On retiendra surtout un artiste tout en dynamique, qui propose un jeu vers l’avant, équilibré et graphique. Sur ce Gravity, c’est tout autre chose. Certes les qualités de Ben Lukas Boysen demeurent, mais c’est le propos qui en prend un coup. Du moins à la première écoute, qui déconcerte. Exit les tracks pour clubbers de l’espace, ici on est dans de la rêverie modern classical, dans le gros spectre ambient qui fait pleurer les filles. Une entreprise pas si étonnante que cela puisqu’on a toujours connu l’Allemand comme un producteur pas mal sensible, et surtout jamais dernier pour travailler la brume avec une luminosité et une assise digitale assez engageante, quoique classique dans le milieu. Une mise en apesanteur simple, et bien souvent épique. Rajoutez à cela de jolis pianos en solitaire et vous obtenez quelque chose entre Fennesz, Leyland Kirby et tous les rejetons ambient qu'on peut trouver d’habitude sur Ad Noiseam.
Un disque qui peut apparaitre parfois comme naïf, mais qui se rattrape toujours par l’infinie beauté qu’il dégage. On a beau le retourner dans tous les sens, il était déjà devenu attachant en quelques écoutes seulement. Pas vraiment de rituel à respecter pour l’apprivoiser, pas de crainte d’être désorienté. Avec Gravity, la conscience Hecq se paie tout simplement un disque court, vivifiant et inattaquable. Une vraie réussite.