Goodbye
Koudlam
Les classements, c'est mon dada. Alors vous vous en doutez, avec la fin de l'année ET de la décennie, le 'faiseur de tops' compulsif que je suis a pu s'en donner à cœur joie. Mais le gros inconvénient de ces classements en tous genres, c'est qu'à peine sont-ils bouclés que vous tombez sur le morceau, l'artiste ou l'album qui aurait pu y tenir une place de choix les doigts dans le nez.
Prenez Koudlam: dans les cercles bien informés, son nom circule depuis déjà de nombreux mois, mais il m'aura fallu attendre le début du mois de janvier pour me résoudre à approfondir le sujet et tomber sur "See You All" pour une claque qui allait être à la hauteur des mandales échangées à la pelle par les principaux protagonistes du clip – une armada de hooligans russes qui se foutent sur la tronche avec un enthousiasme qui fait plaisir à voir et qui fait surtout passer la guéguerre OM-PSG pour une chamaillerie digne des cours de récré. Avec son beat aussi minimal que puissant, ses violons complètement flippants et cette voix d'une nonchalance absolument terrifiante, vous tenez-là l'un de tubes de 2009, unanimement salué par tout qui a bien voulu y prêter une oreille – et ils ne sont certainement pas assez nombreux vu le succès encore trop timide dont bénéficie Koudlam.
Mais il faut dire que le voile de mystère qui enveloppe le personnage et la réputation plutôt 'arty' du bonhomme ont peut-être participé à empêcher le buzz de se transformer en Koudlam-mania à proprement parler. Il n'empêche que depuis la parution de l'EP Live at Teotihuacan, le nom de Gwenhael Navarro n'en finit plus d'agiter forums et blogs spécialisés, notre homme allant même jusqu'à se payer le luxe de voir l'un de ses morceaux faire une apparition furtive dans l'un des meilleurs films français de ces dix dernières années, le gigantesque Un Prophète de Jacques Audiard. Il faut dire que le jeune Français sait y faire: non content de connaître ses classiques sur le bout des doigts (Jean-Michel Jarre et Kraftwerk en tête), Koudlam est aussi parvenu à digérer avec beaucoup de facilité des influences post-punk et kraut (comme sur le Asa Breed de Matthew Dear, y'a du Can et du P.I.L. là-dedans) et de saupoudrer ce chaudron bouillonnant d'influences world savamment distillées tout au long des 12 titres de Goodbye. Hypnotique, anxiogène, grandiloquent, rêche, dramatique ou infernal sont autant de qualificatifs qui vont comme un gant aux compositions brumeuses de Koudlam, dont l'invitation au voyage se refuse difficilement, malgré la dégaine un peu patibulaire du commandant de bord.
Signé sur Pan European, le label d'un autre alchimiste français qui n'a pas froid aux yeux (Romain Turzi), Koudlam est une nouvelle preuve de l'excellente santé d'une musique électronique française qui cherche – et trouve – un second souffle alors que la French Touch 2.0 pédale légèrement dans la semoule. Ainsi, qu'ils s'appellent Mondkopf, Nil Hartman, Popof ou Koudlam, tous partagent ce désir fou de faire entrer la musique électronique dans le troisième millénaire là ou d'autres jouent à n'en plus finir la carte du passéisme. Le futur leur appartient et il s'annonce excitant.