Good Things
Aloe Blacc
On peut se fier au label qui l'accueille, Stones Throw et ses figures tutélaires J Dilla, Dam-Funk ou Breakestra. On peut également se fier à son premier album solo Shine Through sorti en 2006 et à son précédent projet hip hop Emanon. On peut encore plus directement se fier au premier single de Good Things, l'ultra-tubesque "I Need A Dollar". Tout concorde pour attendre de ce second effort d'Aloe Blacc un vrai disque neo-soul, actuel, urbain et métissé. Il n'en est malheureusement rien, car même si en ouverture ce déjà célèbre "I Need A Dollar" nous fait un coup à la Mayer Hawthorne, dès le morceau suivant et quasiment sans coupure, nous replongeons dans le militantisme afro des années 70. Production ultra vintage, électricité dans l'air et cuivres charnels, Good Things aurait pu être composé il y a trente-cinq ans, et ça aurait presque pu être un enregistrement d'époque – à quelques broutilles électroniques près.
Avec ce geste artistique typiquement rétro, Aloe Blacc en devient l'héritier le plus noble de Marvin Gaye. Sans être passéiste, il retrouve dans ce disque la grâce d'un âge d'or perdu, dans les costumes neufs de chansons fraîchement écrites. Le seul standard repris est d'ailleurs transfiguré : il s'agit du "Femme Fatale" du Velvet Underground chanté initialement par Nico, qui, porté dans les coordonnées de la soul, prend un envol nouveau et inattendu. C'est très beau et très attachant, avec une vraie classe dans l'exécution. Seul manque à ce disque le soupçon d'épice en plus, l'ingrédient qui chimiquement, lui ferait franchir un palier, le ferait échapper complètement au piège nostalgique. Car si Good Things n'est pas un simple collage, il n'apporte néanmoins jamais la preuve de sa modernité, de la nécessité impérieuse de l'écouter en 2010.