Ghostface Killahs
Ghostface Killah
Le Wu-Tang Clan, c’est fini. On ne nous y reprendra plus. Trop de plans foireux, trop de disques plus à la hauteur de la légende, trop de bisbrouilles stériles, trop de tournées à effectifs réduits, et puis tout simplement beaucoup trop d’années au compteur. La fascination presque morbide que continue d’exercer le crew sur des millions de fans de rap relève de la psychiatrie, et les chiens fous de Staten Island l’ont bien compris, en continuant à occuper le terrain comme s'ils avaient encore quelque chose d’intéressant à nous raconter. Ce n’est pas le cas, depuis Iron Flag en 2001. À une exception près peut-être : Ghostface Killah a conservé cette capacité à nous surprendre agréablement, ou à se faire accompagner de gens susceptibles de le maintenir au niveau surhumain qui est le sien. Ce fut notamment le cas lors de fort recommandables collaborations avec BadBadNotGood ou Adrian Younge. Sauf que tout cela remonte maintenant à quelques années, et que ce nouvel album fait office pour nous de terrible reality check : même lui n’est plus digne de notre temps de cerveau, si précieux.
Entendons-nous bien, des choses objectivement mauvaises pondues par des membres du Wu-Tang, on en a entendu un sacré paquet ces 10 dernières années. Dans le cas de Ghostface Killah, c’est un autre constat de l’on dresse, et qui se résume à ces quelques mots pleins de sagesses prononcés par le personnage de Danny Glover dans L’arme fatale : « je suis trop vieux pour ces conneries ». Parce qu’à peu près tout dans ce nouvel album respire la grosse fatigue. Si le flow si particulier de Ghostface Killah n’a pas vraiment perdu en charisme ou en efficacité malgré le poids des années (cinquante ans l’année prochaine le bougre), il se met au service d’un propos tristement creux, et surtout de productions qui combinent une double tare : celles d’être de qualité extrêmement moyenne, et de sonner extrêmement datées.
Car s’il existe des artisans tout à fait capables de recycler l’héritage des 90’s (ou même d’en produire une exacte copie) avec un vrai talent et un amour des choses bien faites, on a surtout ici l’impression d’entendre des beats qui courent derrière le temps qui passent, ou pire encore tentent de capter un air du temps qu’ils ne comprennent absolument pas. Le constat est terrible, parce qu’on a l’impression, en écoutant Ghostface Killers, que c’est un page qui se tourne pour de bon, que c’est la fin définitive de l’idylle entre nous et le Wu-Tang Clan. Comme dans les relations amoureuses, on avait rêvé d’une séparation à l’amiable. Pas de chance, il nous restera juste un goût amer en bouche, adouci par le souvenir ému de moments inoubliables par dizaines. Merci quand même.