Ghost Company
Nikkfurie
On pourrait pleurer pendant des années encore la disparition de DJ Mehdi, et regretter que plus personne ne sortira de beat tape aussi fraîche que Des Friandises Pour Ta Bouche. Et puis on pourrait surtout passer à autre chose. Comme par exemple reporter ses lamentations sur la rareté de ce bon vieux Nikkfurie. Surtout qu'à ce jour, le MC de La Caution est toujours aussi méconnu en tant que producteur – alors qu'il est responsable de l'effrayante variété des productions du crew. Du coup, son Ghost Company, il a la pression mine de rien. D'abord parce que ce n'est ni un nouvel album du duo (qui va prochainement fêter ses huit ans d'absence), ni un side-project. En fait, à l'instar des Spring Tales du Klub des Loosers, c'est un recueil d'instrus et de fonds de tiroir composés entre 1996 et 2001, et inutilisés par la paire. Et c'est tant mieux, car du coup ces titres ont tout le loisir d'exister par eux-mêmes.
Choisir d'aborder ce papier en citant les ultimes faits d'armes hip-hop de DJ Mehdi, ce n'est pas un hasard : entre ses drum kits tranchants et ses touches d'électroniques bien senties, difficile de parcourir Ghost Company sans s'offrir quelques flashbacks nous ramenant à la grande époque de Koutrajmé. Rien de bien étonnant d'ailleurs, tant l'album s'amuse à passer sans complexes du hip-hop à la house, et va jusqu'à s'offrir des parenthèses plus cinématographiques. Et tant pis s'il opère dans l'anachronisme le plus total : cela n'enlève rien à la pertinence du projet. Il apparaît en effet difficile de parler de Ghost Company comme d'une beat-tape, tant chaque morceau est travaillé et s'offre une dynamique et une liberté de mouvement qui lui sont propres – au point qu'on se demande si Nikkfurie ne passe finalement pas plus de temps à peaufiner ses beats qu'à poser dessus. Bien sûr, à aligner autant de titres (22 au total) on augmente les chances de se retrouver avec des ratés. Et ceux-ci ne manquent pas comme en témoignent les épuisants "DJ Under The Club" ou "Louis XIV". Mais le spectre d'expérimentation est tellement large que se retrouver avec un taux de ratage aussi faiblard force un certain respect.
L'équipe promo semblait avoir mis un point d'honneur à enrober cette collection d'instrumentales d'un concept fumeux, craignant le manque de lisibilité du projet ou anticipant une éventuelle déception. On a donc conservé ce pdf un temps, par acquis de conscience. Puis passée la première écoute on a vite compris que sa place était à la corbeille : il y a dans ce projet suffisamment de substance, d'ambiances et de richesse pour ne pas lui consacrer toute notre attention. Car Ghost Company est un album d'instrumentales d'une grande classe, avec un joli parfum de nostalgie. Reste à savoir à présent si Ni2k saura se montrer tout aussi pertinent aux manettes du prochain La Caution, et surtout si toutes ces années de break ne l'auront pas trop ramolli. Mais en attendant d'avoir la réponse, on dire que Ghost Company aura su combler nos attentes, au point de lui souhaiter une suite, moins passéiste cette fois.