GEA
Fango
Le nom de Fango ne vous dit peut-être rien, pourtant si vous traînez régulièrement vos guêtres en club, il est fort probable que vous ayez déjà dansé au son de ses productions. En effet, de Dixon à Solomun en passant par Mano Le Tough ou Michael Mayer (qui dit de lui qu'il est "The hottest thing in the 4/4 business"), certains des meilleurs pousse-disques de cette terre ne manquent jamais une occasion de passer une plaque de l'Italien, ce qui fait de lui une sorte de "dj des dj".
Plutôt à l’aise dans le rôle du mec dont tu découvres les titres en club ou au détour d’une Boiler Room, Fango semble aussi s’accommoder du fait qu’on parle peu de lui. Mais comme il faut bien payer les factures, c’est au détour d’un post sponsorisé sur Facebook qu’on a eu vent de l’existence de GEA, dont on a appris en préparant consciencieusement ce papier qu’il était en fait le second disque de Fango. Mais l’honnêteté intellectuelle ayant autant de vertus que le rétropédalage, on peut vous dire que ce Tuono, en plus de contenir quelques uns des singles les plus efficaces du bonhomme (dont l'imparable « Wek - Despejado Mix »), vaut largement le détour pour la bonne impression d'ensemble qu'il laisse et son travail sur les percussions - une vraie obsession chez le natif de Venise.
Contrairement à un Tuono en forme de mille-feuille, GEA a vocation à être un album au sens le plus noble du terme, affichant crânement ses velléités narratives et son envie de se vivre autrement que par à-coups ou par singles potentiels - et en ce sens, on a envie de faire un parallèle avec le premier album de Bicep ou de rapprocher GEA du Beach Goths de Red Axes, en ce sens qu’il voyait les Israéliens montrer une facette un peu inattendue de leur personnalité. Mais il faudrait voir à ne pas découvrir Fango qu'à travers le prisme des exploits de gens mieux cotés que lui sur le marché de l’électronique. Non il faut le marteler: on tient là une vrai personnalité forte, et une sorte de Barnt italien (© DC Salas), avec qui il partage d’ailleurs un affection certaine pour les floorfillers un brin déviants mais qui ne s’oublient jamais - on se rappelle tous de la première fois où on a eu les gencives qui saignaient sur « Chappell ».
Sur GEA, Fango tisse une toile complexe mais cohérente, aux confins de la house, de l’electronica, de la disco et du rock psychédélique. Derrière un disque qui semble parfois ouvrir de nombreux tiroirs que Fango ne prend pas la peine de refermer se cache une vision assez juste de ce que doit être un bon album de musique électronique, avec ses coups de chaud, ses coups de reins et ses coups de maître. Et si GEA ne connaît pas le coup de mou, on lui trouvera quand même un petit défaut: celui de ne jamais vouloir trop en faire. Sur certains titres, on regrette que Fango n’ait pas totalement lâché la bride - un tube comme « Ermes » aurait mérité de durer sept minutes et non trois.
GEA est le genre de disque dont on prend jamais le contrôle, mais qui impose son rythme. Et à une époque où le MP3 et le streaming ont donné à l’auditeur un pouvoir qu’il use trop rarement à bon escient, il est bon de se laisser prendre par la main, à la découverte d’un des producteurs les plus sous-estimés de son époque.