Legao
Erlend Øye
Erlend Øye est un mec extrêmement talentueux, du genre qui réussit tout ce qu’il entreprend. Mais Erlend Øye est aussi un mec qui a des gros problèmes de fidélité. En effet, depuis qu’on l’a découvert avec les Kings of Convenience (c’était en 2001, avec l’album Quiet Is The New Loud), le Norvégien a semblé incapable de se fixer à un projet sur la durée. En effet, après Riot on an Empty Street, les KoC disparaissaient de la circulation, tandis qu’on retrouvait Erlend Øye en solo, et également aux commandes d’un mix impeccable pour la série Dj-Kicks – il date de 2004 et il n’a pas pris une ride. Un amour pour la musique électronique qui l’a poussé, dès 2003, a lancé à Berlin le projet The Whitest Boy Alive, qui allait rapidement abandonner les machines pour revenir à une configuration plus traditionnelle et organique, mais d’une rare efficacité – les albums Dreams et Rules sont là pour en témoigner. Et alors qu’on pensait le projet bien ancré dans nos petites existences, on apprenait son implosion via Facebook en juin 2014. Le moment également choisi par Erlend Øye pour s’embarquer dans une nouvelle aventure, cette fois en compagnie du groupe Hjalmar, « an Icelandic reggae band formed in 2004 in Keflavík » nous dit Wikipedia. Alors oui, on sait le songwriter norvégien touche-à-tout, mais la seule mention du terme reggae a plutôt tendance à entraîner un relâchement coupable de nos sphincters. Heureusement, c’était sans compter sur le bon goût musical du peuple islandais (la preuve avec cette compilation gratuite made in GMD) et l’élégance des choix musicaux d’un Erlend Øye qui nous offre un projet qui se rapproche plutôt du soft-rock que du reggae. C’est d’ailleurs ce côté ‘soft’ qui pose le plus problème sur Legao. Les dix titres passent comme une lettre à la poste certes (ça a toujours été une marque de fabrique chez lui) mais ici, ils ont tendance à s’oublier très vite. Trop souvent, les mélodies et les structures se révèlent d’une banalité très gênante pour un artiste qui nous a par le passé habitué à certains standards de qualité. Certes, cette affaire sent bon les apéros entre amis dans un coin perdu du sud de l’Espagne à écoute le Year of the Cat de Al Stewart ou le Rumours de Fleetwood Mac, mais cette décontraction de tous les instants ne saurait dissimuler les carences fondamentales d’un disque agréable certes, mais qu’on aura vite fait d’oublier.