Futuristically Speaking… Never Be Afraid
Yo Majesty!
Premièrement, Yo Majesty! c'est un nom de groupe qui déchire tout. Deuxièmement, Yo Majesty!, et c'est là que ça devient vraiment intéressant, c'est l'une des découvertes les plus enthousiasmantes de 2008, ni plus ni moins. Et à qui la doit-on? A Domino bien sûr. Ces dernières années, le label anglais n'a pas été avare en coups fumants. Comment ne pas citer Franz Ferdinand et les Arctic Monkeys, soit autant de grosses machines qui permettent désormais au label de partir à la chasse aux groupes originaux ou d'assurer la pérennité discographique d'objets de cultes tels Smog. Mais pour le coup, le label innove, en ce sens qu'il s'aventure sur un domaine qu'il est loin de maîtriser, à savoir le hip hop. Mais bon, connaissant les zouaves de chez Domino, on se doute bien qu'ils ne sont pas allés nous dégotter le prochain Soulja Boy.
Yo Majesty! c'est donc Shunda K et Jwl B, deux lesbiennes furibardes et déjantées que rien n'effraie et qui ne se gênent pas pour le montrer sur disque (on va y venir), sur scène (je vous conseille une petite recherche dans Google Images) ou en interview ("I got stretch marks, and I’m fat, and I’m wildin. But your boy 50 Cent does his show with his shirt off. Why can’t I?”). Futuristically Speaking… Never Be Afraid est leur premier effort et un véritable coup de maître. Car l'air de rien, en quatorze titres qui sont autant de bombinettes assassines, les deux furies de Tampa rendent un hommage bruyant et sautillant à toutes ces femmes qui ont marqué l'histoire de la musique contemporaine, qu'elle soit urbaine ou non. En effet, si le point de départ des pérégrinations de Yo Majesty! est clairement orienté booty et dancefloor, nos donzelles ne se gênent pas pour aller piocher quelques idées chez Salt'N'Pepa, ESG, Kelis, Missy Elliott ou, plus globalement, le mouvement Riot Grrrl. Car Futuristically Speaking… Never Be Afraid n'est clairement pas le genre d'album flanqué de ces œillères bling bling et sexistes qui pourrissent le 'rap game' depuis de trop nombreuses années. Evidemment, une telle attitude n'est évidemment pas passée inaperçue auprès de divers producteurs qui ne sont pas gênés pour apporter leur aide à ces coquines de Yo Majesty!. Outre Hard Feelings UK, producteur historique du duo, on retrouve également sur Futuristically Speaking… Never Be Afraid quelques pointures du genre, à commencer par les vétérans de Basement Jaxx (pour un instrumental d'une violence qu'on ne connaissait pas au duo londonien) ou les étoiles montantes de Radioclit.
Avec un tel casting, cela donne forcément un disque qui ne manque pas d'armes pour séduire. Cela commence évidemment par le genre de force de frappe qu'on avait plus entendue depuis des lustres sur un disque hip hop, et que le mélange entre electro et hip hop rend plus destructrice – à ce titre, "Don't Let Go" et son beat qui aurait pu figurer sur le dernier Booka Shade est la meilleure illustration de cette affirmation. On s'en voudrait également de ne pas mentionner l'incroyable diversité des ambiances de ce disque qui commence sur une invective digne d'un Ol' Dirty Bastard ("Fucked Up") pour se poursuivre sur un grand moment de bravoure booty ("Booty Klap") ou des titres downtempo où le côté grivois du duo prend toute son ampleur ("Get Down On The Floor") pour se clôturer sur des beats arides ("Club Action"). Et sur tous ces titres, on retrouve évidemment nos deux emcees, increvables machines à rapper qu'aucun défi vocal ne semble effrayer.
Phénoménal de bout en bout, Futuristically Speaking… Never Be Afraid est le genre d'album décomplexé à côté duquel les sombres bouses crunk que nous servent les Etats-Unis à longueur d'année ne pèsent pas bien lourd, un bon gros coup de pied dans les couilles d'un milieu gangréné par des stéréotypes épuisants. La toute grande classe quoi.