Future Present Past EP
The Strokes
Le fan peut être un sombre connard quand il s'y met : aux Strokes, d'aucuns auront longtemps reproché le recyclage d'une incroyable recette qui leur a permis de s'en mettre plein les fouilles au début des noughties - et d'ajouter au passage quelques zéros sur le compte en banque des principaux actionnaires de la marque Converse. Puis le jour où le groupe est passé à autre chose, on lui est tombé sur le paletot en moins de temps qu'il n'en faut à un CRS fatigué pour balancer une grenade de désencerclement. Les raisons du courroux? Les bongos de "Machu Picchu" ou un single qu'on a vite fait de comparer à du A-Ha 2.0.
Mais au final, ces petites fautes de goût diluées dans des mélodies irrésistibles étaient finalement autrement plus pardonnables que les morceaux prévisibles et ennuyeux que l'on croisait (à l'occasion) sur Angles et (à peu près partout) sur Comedown Machine. Deux albums qui sonnaient comme le début de la fin pour un groupe encore trop soucieux de peser sur le rock, mais plombé par le passage à une démocratie - il est de notoriété publique que les deux premiers albums des Strokes, légèrement mythiques, étaient cadenassés par un Julian Casablancas autoritaire.
Trois années nous séparent du dernier album en date des Strokes et aujourd'hui, plus personne n'attend de la fine équipe qu'elle nous surprenne - en bien comme en mal. On a même l'impression que les membres du groupe n'attendent eux-mêmes plus grand chose de leurs sessions de studio - et encore moins de leurs concerts où ils ont autant l'air de s'amuser que toi devant un film de Fabien Onteniente. Au mieux s'épanouissent-ils dans leurs projets en solo - pour le meilleur avec Albert Hammond Jr., pour le pire avec Julian Casablancas + The Voidz.
Probablement libérés de pas mal de contraintes, les voilà qui réapparaissent en roue libre sur Cult Records, le label fondé par Casablancas en 2009. Trois titres (plus un remix par le batteur Fabrizio Moretti) pour relancer des mecs qui ont l'air bien usés et surtout qui auront été incapables de gérer un exceptionnel patrimoine là où d'autres groupes bien moins talentueux continuent aujourd'hui d'intelligemment cachetonner grâce à une poignée de singles vaguement efficaces.
Forcément, avec un groupe comme The Strokes, dont l'esthétique et le talent ont marqué toute une génération, les avis ne peuvent plus être modérés à partir du moment où il ne trône plus au sommet de la chaîne alimentaire. Alors oui, on a souvent l'impression que la gnaque et l'envie n'y sont plus vraiment, pourtant il y a quelque chose de terriblement agréable à pouvoir deviner les prochains accords d'Albert Hammond Jr. sur le refrain de "Drag Queen", ou à entendre Julian Casablancas s'époumoner tout au long d'un "Oblivus" qui sent un peu la défaite. Parce que pour la première fois depuis un petit paquet d'années, on a vraiment le sentiment de sentir ces mecs-là se battre pour réveiller le Kraken et récupérer leur place tout en haut de la pyramide du cool. Il n'y arriveront probablement plus jamais, mais on a quand même envie d'y croire.