Freedom Sweet Freedom

Regional Justice Center

Closed Casket Activities – 2024
par Alex, le 25 septembre 2024
8

Avant que Militarie Gun ne connaisse le succès, Ian Shelton a eu le temps de rouler sa bosse dans des formations comme Self Defense Family, New Gods mais aussi et surtout Regional Justice Center. Initialement conçu comme un exutoire suite à l'incarcération en 2016 de son frère Max à l'âge de 18 ans (le groupe porte le nom de l'établissement situé à Kent, Washington dans lequel il était détenu durant 6 ans), RJC s'est fait une belle réputation grâce à deux excellents albums, tendance powerviolence / hardcore véloce, sur lesquels l'ombre de Max planait, notamment à travers des appels enregistrés depuis la prison. Le projet a eu le temps de vivre quelques belles années sur les routes avant que la pandémie ne frappe et que Shelton ne se décide à déménager de Seattle à Los Angeles pour accoucher d'un beau bébé nommé Militarie Gun.

Depuis, le frangin est sorti de cabane, a monté son projet hip-hop baptisé Vatican Voss, et a eu le temps nécessaire pour prendre du recul face au difficile retour à la normale quand on a goûté au système carcéral. C'est finalement de manière assez naturelle qu'il rejoint désormais les rangs (jusqu'ici assez instables) de la formation créée autour de son histoire pour partager le poids de cette expérience singulière et traumatisante au micro. Aux côtés du pilier Shelton (toujours à la batterie) avec qui ont été écrites les paroles et Alex Haller, c'est également Taylor Young (producteur de renom, ex-Nails, également impliqué dans God's Hate et Twitching Tongues) qui s'ajoute au casting au moment où sort ce Freedom Sweet Freedom, annoncé comme la dernière partie d'un remarquable triptyque débuté en 2018 avec World of Inconvenience puis Crime and Punishment en 2021 sur Closed Casket Activities (Full Of Hell, Incendiary).

Shelton nous le confiait déjà en off lors de notre interview l'année dernière, il lui tardait de pouvoir entrer en studio avec RJC et boucler la boucle. C'est désormais chose faite avec ce disque qui s'ouvre sur un beuglement : "Freedom". Mais avec quelles conséquences ? À quel prix ? Ce sont ces réflexions sur "la vie d'après" qui jalonnent l'album. Pour ne pas trop bousculer une formule qui a pu faire ses preuves sur les deux précédents LP, ce sont 12 titres qui sont ici proposés pour une durée de 13 minutes: rapide, brutal, sans concession, comme un coup de couteau que tu te prendrais durant la promenade ou simplement un avertissement qu'il faut se cramponner à ce qu'on peux tant que c'est à notre disposition. Chaque titre, aussi concis soit-il, porte en lui une part de brutalité, une froideur, une désillusion, indissociables du contexte dans lequel le projet est né. Imaginez être aspiré puis régurgité par le système judiciaire et ce sont les mêmes esquisses de dureté et de désillusion qui devraient vous parcourir l'échine à l'écoute de l'œuvre.

Car ce n'est pas tant l'assaut sonique sans relâche qui s'abat sur nous ou l'absurde dichotomie entre Militarie Gun et RJC qui font de Freedom Sweet Freedom une épreuve rugueuse. C'est le poids du vécu de ses concepteurs, un album dont le contexte de création le rend d'autant plus authentique. Rien n'est faux ici, tout est vécu et vomi sans détour grâce à une narration implacable. L'histoire a désormais été racontée et les chances sont grandes que RJC s'arrête dans la foulée. "Ne pleurez pas parce que c'est terminé, souriez parce que c'est arrivé"? Quoique.