Forever Dolphin Love
Connan Mockasin
Univers naïf et rêveur, avec une prédominance de laideurs en papier mâché. Caricatures de hipsters, dont un chanteur déjà considéré comme le nouveau Beck, à ce que l'on dit actuellement en pourparlers avec Charlotte Gainsbourg pour l'élaboration de son troisième album. Paroles à la con sur l'amour des dauphins et les personnages de jeux de rôles, tout cela déclamé d'une voix haut perchée. Clairement, au jeu de la percée internationale, ce groupe néo-zélandais déjà plus tout neuf (il propose ici une version améliorée d'un album sorti l'an dernier) s'engage dans la grande aventure de la musique populaire avec un pied déchiqueté à la charge de chevrotine, étalant sans la moindre gêne sa collection entière de tares et sa belle petite galerie de têtes à claques. Miracle, donc. Il n'y a tout simplement pas d'autre mot. Miracle qu'une telle recette de merde accouche au final d'une pareille succulence! Miracle que ce groupe tordu et douteux sorte tout simplement le meilleur disque pop depuis longtemps. Très longtemps, même.
L'évidence des classiques, tout simplement. Il n'y a rien à dire sur Forever Dolphin Love : on l'aime ou on le quitte, on peut s'en foutre aussi. I like this, you dislike this, peu importe, et tout le reste n'est que mauvaise littérature, vain débat, histoire de goûts. La seule vérité qui s'impose, c'est que ce disque n'est pas du genre à survivre un trimestre ou deux avant d'être englouti dans les tréfonds de la mémoire collective. L'histoire de la pop va devoir en tenir compte. A nous d'inventer le monde qui va avec. Au groupe d'inventer une carrière qui ne fasse pas honte à cet album tenant plus de l'étrange magie que du jeu habituel sur les codes et les références, même s'il est clair que les mecs ont beaucoup écouté Air, Serge Gainsbourg époque Melody Nelson et sans doute aussi David Bowie, dans sa période maniérée des tous débuts.
Musicalité exceptionnelle et compositions parfumées au gentil psychédélisme, donc. Chansons qui esbaudissent comme une trop longue journée au soleil, guitares décrites par les Inrocks comme sonnant de façon « aquatique », ce qui est franchement ridicule même si on n'a toujours pas trouvé mieux pour décrire l'impression déstabilisatrice qu'elles procurent, elles qui semblent effectivement perçues sinon de sous l'eau, du moins dans un état de conscience quelque peu modifié. Saluons également la tristesse tenace qui se dégage de l'album, un bourdon omniprésent, une vibration nostalgique même quand la musique se fait plus entraînante et légère que sur le déjà culte et monumental "Forever Dolphin Love", pièce maîtresse dont la couche de couleurs criardes ne cache pas la profonde noirceur.
36 minutes au total, c'est court, c'est beau, rien ne dépasse et le business a donc décidé d'accompagner certains tirages de l'album d'un deuxième disque, live cette fois. Là non plus, rien à jeter. Mieux : ces versions enregistrées en public confirment le talent dingue du groupe, maître de ses instruments, maître de ses effets, ne jouant visiblement jamais deux fois ses titres de la même manière et restant malgré toute cette potentielle esbroufe une bande de mecs modestes, accessibles et sympathiques. Autant dire qu'à moins d'avoir vendu leurs âmes au diable, ces blaireaux là ont trouvé la pierre philosophale qui fabrique la meilleure pop, rend heureux, permet de séduire la terre entière, tout cela en se distinguant de tous les autres cons embarqués dans des plans musicaux plus ou moins similaires. Un miracle, qu'on vous dit. Un vrai, rare et bouleversant.