Foreigner
Von Spar
A défaut de génie, peut-être même de vrai talent, ces gars-là ont assurément du savoir-faire. Il faut écouter leur single "TrOOps", aussi efficace que trompeur puisque n'ayant strictement rien à voir avec le reste de l'album. C'est un punk funk roublard, d'une veine proche du gros son des LCD Soundsystem, Chk Chk Chk et autres Friendly Fires. Ca groove sec et chaud et il s'y passe beaucoup de choses : des breaks, des dérapages, des petits gimmicks venus de nulle part qui vrillent le cerveau. Voilà, Von Spar tient son tube, son morceau à faire remixer par Superpitcher, son épargne-pension, sa carte de visite, son boulot alimentaire. Maintenant, il peut faire ce qui lui tient vraiment à coeur.
Et ce qui tient le coeur de ce collectif basé à Cologne, c'est de faire le pont entre le clubbing pop et la Kosmische Muzik (en Allemagne, on ne dit pas krautrock!!!). Là aussi, on serait bien en peine de trouver quelque génie à la démarche, sans toutefois non plus n'y dégotter que désolation artistique. A son sommet, le groupe rappelle/décalque Popol Vüh, Harmonia et Tangerine Dream, en plus groovy. C'est voulu, c'est leur cahier de charges. Le résultat n'est jamais désagréable, jamais primordial non plus. Certains morceaux sont quasi réussis (les deux derniers du disque, relativement envoûtants) mais rôdent néanmoins toujours quelque part au long des pistes les spectres damnés de la muzak la plus infâme et de la pomposité de l'exercice de style le plus académique. Détail qui en dit long : bon nombre d'autres critiques ont évoqué Jean-Michel Jarre pour parler de Von Spar, ce qui n'est tout de même pas rien comme influence/comparaison venue du Monde Noir... sauf quand on s'appelle Turzi ou Carl Craig!
C'est le principal défaut, le problème majeur, du groupe : sa musique est très sage et très propre. Or, idéalement, le krautrock d'hier comme d'aujourd'hui, ça n'a rien de sage et encore moins de propre (pensez à Turzi justement, tiens!). C'est une musique qui a plutôt intérêt à puer la drogue, la transe, la folie, la mort, la religion, la peur et l'éternité. Une musique qui n'a rien à gagner de sortir bien emballée d'un studio de musiciens dont la démarche consiste manifestement à poliment marier l'influence des disques de leurs (grands-?) parents aux souvenirs du fun techno qu'ils ramènent de leurs week-ends. Le krautrock des seventies cherchait à s'isoler de toute influence anglo-saxonne, mettre en musique le désarroi mental d'une génération traumatisée par le nazisme et décrire en sons des trips sous LSD! Le krautrock d'aujourd'hui, hélas trop souvent et ici certainement, ne s'amuse qu'à reproduire des recettes. Voilà ce qui manque principalement à Von Spar, définitivement : une motivation autre que musicale, des envies révolutionnaires, des ambitions mystiques. Une âme, quoi.
Des disques aimables qui ne dérangent personne et n'intéressent que le temps de l'écoute, qui ne sont que sympathiques, qui ne racontent rien mais restent plaisants, on en a plein la cave: du trip-hop, de la french touch et de l'acid-jazz des années 90; de l'electroclash 2000, des groupes rock BCBG. Le point commun entre ces disques et celui-ci est très évident, très simple, très définitif : tous se présentent comme une version light, abordable, référentielle -et donc vulgarisatrice- de musiques nettement plus marginales, pointues, ardues mais aussi drôlement plus passionnantes et réellement bouleversantes. En d'autres termes, pourquoi se farcir du Von Spar quand on a 236 disques de Neu!, Can, Popol Vuh, Harmonia, Tangerine Dream, Klaus Schulze et plein d'autres merveilleux Teutons seventies à encore dénicher, découvrir et intégrer sur son disque dur personnel? Sans parler de la kosmische moderne (Principles of Geometry, Zombie Zombie, Turzi...)... Bouffer du disque comme un boulimique, c'est bien. La gastronomie, c'est mieux. Passez donc directement à Von Rob et oubliez Von Spar (huhu!). A part, peut-être, le single.