For New Beginnings
Friska Viljor
On a tous dans nos discographies des groupes que l'on adore plus que tout, mais qui croupissent à notre grand désespoir dans un anonymat qui nous rend complètement dingues. On a beau essayer de placer ce nom au détour d'une conversation avec des potes ou de leur envoyer des MP3 histoire de les convaincre qu'il ne s'agit pas d'une lubie en carton, rien n'y fait. En ce qui me concerne, je ne cesse de défendre depuis plusieurs années l'excellent travail fourni par les Suédois de Friska Viljor. Ces cousins pas bien éloignés des Shout Out Louds, des Strokes et d'Okkervil River ont sorti dans une indifférence générale (du moins par chez nous) deux albums particulièrement réussis: l'impeccable et adéquatement nommé Bravo! en 2006 et son petit frère Tour de Hearts deux ans plus tard.
Leur manque de total de reconnaissance est d'autant plus regrettable et incompréhensible qu'à une époque où l'amateur de musique lambda consomme cette dernière comme de la junk food, ce dernier devrait logiquement tomber sous le charme immédiat des compositions de Friska Viljor, qui ne nécessitent pas plus de deux écoutes pour vous rentrer dans la peau. Alors forcément, à chaque nouvelle sortie d'album (qu'il faut se débrouiller pour ne pas louper vu le peu de publicité faite autour du groupe), je me dis que c'est le moment ou jamais pour enfoncer le clou. A condition évidemment que les gars de Friska Viljor soient à la hauteur des attentes placées en eux par la poignée de fans francophones qui suivent leurs moindres faits et gestes.
Avec un titre comme For New Beginnings, le fan de la première heure que je suis ne peut s'empêcher de penser aux raisons qui auraient poussé les velus Daniel Johansson et Joakim Sveningsson à unir leur talents sous la bannière Friska Viljor: largués par leurs copines respectives et moralement au fond du trou, les deux coeurs brisés ont eu la riche idée de diluer leur spleen dans un rock en apparence primitif, mais jamais dénué de bons sentiments pop et de frissons en pagaille – notamment sur ces refrains irrésistibles où l'envie de gueuler avec eux devient vite irrépressible. Mais aujourd'hui, quatre ans après s'être fait larguer comme de vieilles chaussettes, les plaies semblent pansées et nos deux asticots donnent l'impression de mener une vie bien rangée et faite de bonheurs simples, ce qui se traduit forcément par des compositions plus apaisées et moins ramassées que par le passé. Certes, Joakim Sveningsson n'a toujours pas troqué sa mandoline contre un instrument quelconque et Daniel Johansson se fait toujours un plaisir de jouer les choeurs, mais il se dégage de For New Beginnings une impression tenace de tranquillité et d'apaisement qui contraste fortement avec l'urgence prenante qui suait par tous les pores de Bravo! et, dans une moindre mesure, de Tour de Hearts.
Si l'on ira pas jusqu'à affirmer de For New Beginnings est une déception, on ne peut s'empêcher de penser qu'en retrouvant un certain équilibre privé, Friska Viljor a perdu un peu de sa superbe musicale. Mais qu'on ne s'y trompe pas, si l'ensemble est moins flamboyant, Daniel Johansson et Joakim Sveningsson sont toujours en mesure d'accoucher de titres dont l'efficacité ne peut être démentie – laissez-vous par exemple emporter par le très orchestral « If I Die Now », en écoute sur le MySpace du groupe. A l'arrivée, il y a fort à parier que celles et ceux qui s'apprêtent à découvrir le groupe de Stockholm tomberont sans forcer sous le charme. Et forcément, la découverte de leurs précédentes réalisations n'en sera que plus exaltante. Par contre, pour les fans indécrottables de Friska Viljor, bilan sera peut-être un peu plus mitigé.