Floor Seats II
A$AP Ferg
Nous ne vous apprenons rien en vous rappelant qu’avec son compère A$AP Rocky, A$AP Ferg a revitalisé une scène new-yorkaise fortement tournée vers le Sud des États-Unis, allant jusqu'à se surnommer le Trap Lord. Cherchant la complémentarité avec son confrère rempli de swag et de glamour, Ferg avait choisi de devenir un entertainer, un personnage amusant. Le titre de sa nouvelle série de projets initiée l’année passée, Floor Seats, ne peut mieux décrire sa musique : s’entourer des meilleurs, s’extasier de leur mojo (quitte à parfois leur donner trop de place) et enjailler les foules.
Si le featuring avec Marilyn Manson peut paraître assez racoleur sur papier quand on connaît la fascination souvent très superficielle des rappeurs US pour les rockstars, il est impossible de nier que l'icône de l'indus grand public s’en sort très bien dans son rôle d'agent provocateur. Les morceaux qui suivent (l’hommage à Dennis Rodman en compagnie de Tyga, le syncopé « In It » en compagnie de la B*tch From Da South Mulatto) perpétuent ce goût pour l’éclectisme et le crossover improbable, un exercice auquel Ferg est particulièrement rodé et qui procure un vrai plaisir d'écoute. Et si Rocky et Ferg n’ont jamais caché leur fascination pour le côté flambeur du Dipset de Harlem et l'extravagance de la G-Unit du Queens, c’est aujourd’hui avec la nouvelle génération drill que Ferg fricote, et s'en sort plutôt bien sur « No Ceilings » et « Aussie Freaks ». Mentionnons également le banger 5 étoiles « Move Ya Hips ». D’une facture très classique, mais redoutablement efficace (MadeinTYO, qui se charge des refrains, fait de l'ombre Ty Dolla $ign), le morceau propose même le meilleur couplet de la jeune maman Nicki Minaj.
Fort de ses plus de 10 ans de carrière et de toute la confiance qu’il a pu accumuler au contact des autres trap lords d'Amérique, Ferg souhaite se montrer plus mature, et ose s’aventurer en fin d’album sur le terrain éminemment casse-gueule du rap conscient. Le surprenant « Hectic », avec un featuring de Puffy, réussit à nous surprendre agréablement : parler du mouvement Black Lives Matter et de la pandémie peut vite s’avérer fastidieux quand on n'a pas les épaules suffisamment larges, mais Ferg réussit à nous sortir un morceau aux textes simples mais percutants. Et puis sur « Big A$AP », bonus track rendu solaire par la voix de Monica et le sample de Keni Burke, A$AP Ferg termine en évoquant ses récentes anicroches avec les grands manitous du A$AP Mob. Visiblement plus proche d’en partir que d’y rester, il n’en reste pas moins lucide sur l'hypocrisie de l’industrie et l’importance de se montrer résilient. Une conclusion pleine de sagesse à un album particulièrement riche et varié.