Flight Risk
Saga
« Instru cherche emcee ». Voilà la pancarte que pourrait aujourd'hui arborer la scène grime. Ne nous leurrons pas, les Dizee Rascal, Tinchy Stryder, Wiley, Lethal Bizzle, Kano et autres P Money ont très peu de chances de faire un comeback gagnant et encore moins de retrouver leur lustre d'antan. Certains sont trop occupés à cachetonner en tapinant dans les sphères electro-pop. Oui Dizzee, on parle bien de toi, pas la peine de détourner le regard. Pour les autres, ils sont tout simplement tombés et doivent être seulement reconnus dans les fried chickens de leurs quartiers. Bref, le grime pue bien la défaite.
On pourrait clore bien rapidement cet état des lieux, mais des petits gars ont décidé de jouer les nécrophiles et de mettre une bonne secouée à ce pan historique de la scène musicale made in uk. Ce qu'il y a d'intéressant dans ce revival, c'est qu'il ne touche - pour le moment - que les producteurs. La figure centrale du emcee a disparu au profit d'une clique de jeunes branleurs. Pour contextualiser, ce renouveau a véritablement été réamorcé l'an passé par une "War Dub" qui a opposé un bon nombre de producteurs dont Visionist, Kahn (du crew Young Echo), Inkee, Wen et Saga, pour ne citer que les plus connus. Pour faire court, ces producteurs se sont alpagués pendant une semaine dantesque enchaînant les clashs à coups de gros beats putassiers qui nous ont tout droit ramenés à l'âge d'or de la scène grime. Depuis, les guéguerres ont cessé mais la pression ne semble pas être retombée du côté de Londres ou de Bristol. La dernière preuve en date de cette vivacité de la grime nous vient de Saga et de son ep Flight Risk. Pour les nostalgiques de la brutalité des beats uk garage, vous devriez être comblés. L'ep de l'Anglais ne simule pas une demi-seconde et rentre directement dans le dur. La rafale est violente, ça attaque à grands coups de hi-hats, de basses et de gros claviers que seuls les Brits arrivent faire sonner ainsi. On obtient une musique percussive s'appuyant sur des compositions rêches et assez dépouillées. On imagine bien l'effet de ce genre de productions sur des types éméchés à 5h au fin fond du South London. Bref, cette musique-là transpire l'embrouille à plein nez.
La vélocité des morceaux est d'autant plus palpable que l'ep dure seulement 25 minutes, juste de quoi mettre les nerfs à vif et s'en aller. C'est d'ailleurs le seul bémol: on voit mal comment une musique aussi intense pourrait tenir l'auditeur en alerte sur 60 ou 90 minutes tant les beats sont éreintants. Pour ceux qui ont découvert le grime dernièrement, allez-y les yeux fermés. Et pour les vieux cons comme moi, cela vous rappellera de beaux souvenirs. Avec Flight Risk, on se trouve à mi-chemin entre l'oraison funèbre du grime et la volonté d'écrire une toute nouvelle page du genre. On recommande chaudement donc, et on espère que des MC's auront le niveau pour sublimer toutes les pépites sorties par tous ces rookies.