Fixed
Simian Mobile Disco
L'un des grands concepts de l'année, c'est la toomuchité, importée du Québec vers nos régions par une Lara Fabian en total-mode Jean-Claude Van Damme dans cette vidéo devenue virale tirée d'un talk-show de Montréal. Se réappropriant le terme en se fichant totalement de l'usage qu'en ont les Canadiens, on fera ici distinction entre la toomuchité négative (argumentaire des élus UMP, Poutine chantant "Blueberry Hill", Lara Fabian justement...) et la toomuchité positive : le film Get Him to the Greek, certains articles de Vice Magazine et ce mix des Simian Mobile Disco enregistré pour Fixed, une orga de soirées new-yorkaises au pedigree impeccable (ils font généralement jouer Holy Ghost, Optimo, Matthew Dear...).
Toomuchité donc, parce que voilà bien une oeuvrette de commande qui, plutôt que de se contenter que de ne simplement respecter le cahier de charges fixé par Fixed (dancefloor pour « connoisseurs », en gros) y répond par un radicalisme acide techno plutôt rare en ces temps où la minimale continue d'être perçue comme le seul remède à l'esprit mainstream-friendly qui contamine (presque) toute la partie médiatisée de la scène DJ internationale. Ces derniers temps eux-mêmes perdus dans la pop et inexorablement entraînés vers le succès et ses compromis grands et petits, Simian Mobile Disco ne se contente vraiment pas ici de se montrer un peu moins éclectique et abordable que d'habitude. Le set est pointu et exigeant, une opération 100% dancefloor radical, un plan géré sans le moindre accroc mais un plan qui se rapproche certainement plus des mixs live repiqués des PA de discothèques que les fans de DJ's lâchent sur Soundcloud que des CD mixés plus vendeurs auxquels nous sommes habituellement confrontés, y compris sur Fabric.
Attention, le tracklisting est trompeur, avec son mélange à priori équilibré de stars et d'underground, d'artistes cultes et de gros vendeurs. Principalement, des Allemands, des Français et des Anglo-Saxons, parmi lesquels Etienne Jeaumet, Château Flight, DJ Hell, Pantha du Prince et Clément Meyer. Ca démarre lentement, très krautrock. Après, c'est la baston, un mix à totalement éviter si vos oreilles aiment être carressées dans le sens du poil. Mental, acide, amélodique jusqu'à complètement en désorienter les sens, il s'agit ici moins d'enchaîner les tubes que de faire déferler les sons, les gimmicks, faire monter la pression, la relâcher, provoquer des stimuli, doper le taux de sérotonine dans le cerveau et carrément provoquer l'émeute orgiaque quand arrive finalement un bon gros tube avec refrains et guitares, mais toujours un pied dans le cosmos et l'autre dans la flaque de sueur (Hot Chip remixé par Carl Craig, en l'occurence).
Bref, on est aussi ici dans ce trip reproché par les Guignols de l'Info à David Guetta : il s'agit moins de musique au sens premier du terme que de gérer les réactions humaines au travers d'un panel de potards et de recettes pour faire suivre le mouvement du cul par le cerveau, comme l'a jadis très bien résumé George Clinton. Un art de la manipulation des corps et une mission festive où Simian aura rarement autant brillé, confortant l'idée que le duo britannique est définitivement revenu à une idée plus extrême de son métier. Puisque outre sur ce mix démoniaque, on les (re)découvre également très techno et très acides sur Delicacies, leur nouvel album. Pourvu que ça dure...