Final Straw
Snow Patrol
Les charts anglais ont quelque chose de fascinant : d’ordinaire abonnés aux bouses "made in Reality TV" et autres girls & boys band aux arguments dentaires et capillaires indéniables, il leur arrive de temps en temps d’héberger de véritables merveilles de pop-rock comme seuls les britanniques sont capables d’en accoucher. A croire qu’il y a quelque chose dans la jelly qu’on ne retrouve pas dans nos cuisses de grenouilles locales. On n’épiloguera pas sur le cas Franz Ferdinand puisqu’il a déjà traversé la manche. En revanche, l’arrivée de Snow Patrol dans le UK Top 40 à la cinquième position avec le single "Run" mérite qu’on s’y attarde. Parce que ce titre est un de ces mystères de la musique anglo-saxonne moderne, immédiatement familier et fédérateur, puissant et mélancolique, bardé de guitares et de cordes, avec un refrain beau à se damner. Cinq minutes et cinquante-quatre secondes de bonheur à ranger aux côtés du "Yellow" de Coldplay ou du "Live Forever" d’Oasis.
Inutile de se voiler la face, l’album Final Straw dont est extrait "Run" ne comporte aucun autre morceau de ce calibre. Par contre, on y trouve une poignée de pop-songs fichtrement bien torchées, à commencer par ce "How To Be Dead" qui ouvre le disque. Il faut dire que depuis leur précédent opus, When It's All Over We Still Have To Clear Up, les irlando-écossais de Snow Patrol ont renforcé leur son, via une production moins minimaliste que par le passé. Influence du come-back d’un certain rock’n’roll au premier plan ou évolution toute naturelle ? En tout cas, force est de constater qu’avec l’abrasif "Wow" ou le superflu "Spitting Games", premier single très enlevé paru l’été dernier, le groupe n’a pas grand-chose à envier à nombre de formations en "The".
Mais c’est lorsqu’ils laissent éclater leur côté sombre que les musiciens de Snow Patrol se révèlent les plus passionnants. "Chocolate", pièce centrale de l’album, sonne comme un ultimatum pré-apocalyptique, tandis que W"ays & Means," étrange petit frère du "Coming Second" d’Elbow, relève plus de l’hypnose sonore que de la légèreté pop. Et si dans l’ensemble, ce très bon disque semble parfois pêcher par excès de facilité rock "premier degré", il y a de fortes chances pour que l’heure de gloire du prolifique Gary Lightbody (également tête pensante de The Reindeer Section) soit enfin arrivée. Et ce n’est que justice.