Fatalist
Deinonychus
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Ce soir il y avait un désir absolu de noirceur. Pas d’obscurité à la petite semaine mais d’absence totale de lumière. Je rêvais uniquement d’un monde souterrain où m’assoir et attendre que quelqu’un de plus désespéré que moi prenne le relais. Je rêvais de la contemplation solitaire du tragique, du viscéralement violent. Je désirais par-dessus tout qu’on me raconte l’enfer sans aucun filtre. Je voulais du sang noir par hectolitres, des galeries de pierre aux plafonds immensément haut et des personnages de théâtre qui souffrent jusqu’à l’évanouissement. Je me suis donc dit que le nouveau Deinonychus serait parfait pour faire ce taf ingrat. Même s’ils se sont un peu vautrés sur Warfare Machines (mais incroyablement rattrapé sur Ode To Acts of Murder, Dystopia and Suicide), les Hollandais ont toujours suscité en moi une fascination au-delà du commun. Probablement en raison de leurs neufs albums en trente ans et un taux d’écoutes ridicule qui les place directement dans la case trve cult du spectre. Leur passage sur Van Records a immédiatement ramené le groupe dans mon viseur – devenu fan jusqu’à la mort de la structure depuis qu’ils hébergent The Ruins of Beverast – et grand bien m’en a pris puisque la première écoute de ce Fatalist a été, comment dire, extrêmement cathartique.
Je ne voulais pas tant de la brutalité que de la haine et de la souffrance. Je ne rêvais pas de bestialité, donc il me fallait d’office aller vers un gros bloc de black metal. Je voulais également que ce soit bien lisible dans les émotions, bien dans la gueule, avec une production équilibrée et moderne. Il me fallait du tremolo par camions, du riff répétitif, idéalement en mid-tempo et bien ancré dans ses structures. Je voulais être le spectateur au premier rang d’un spectacle insensé d’abandon et de haine de soi. Je ne recherche pas nécessairement le riff qui tue, la technique absolue, je veux juste un ensemble qui fonctionne comme un tout émotionnel impossible à éviter. Je voulais un chanteur qui n’a plus rien d’humain à part sa capacité à crever en direct et qui hurle sans cesse la tête tournée vers un ciel qu’il maudit. Je voudrais qu’il pleure, aussi. Remplissez moi le tout de field recordings propres à rendre le tout cinématique à souhait (des cloches d’église et de la pluie battante, idéalement), de claviers hantés et surtout, mais alors surtout, jouez-moi tout ça dans une ambiance de grande messe satanique. Je veux que ça se vide intégralement de sa substance en direct, je veux des autels sacrificiels et le moins de lumière possible. Faites-moi me sentir vivant en voyant des gens ne plus l’être, s’il vous plait.
Fatalist est, vous l’aurez compris, ce grand disque de mort et de souffrance. Six titres pour quarante-cinq minutes d’un black metal (bien teinté de doom quand même) titanesque d’émotion, de performance et d’implication. Un disque condamné à ne pas connaître le succès qu’il mérite mais qui confirme avec force tout l’héritage laissé par Deinonychus au cours de sa carrière, eux passés grands maîtres dans l’art du noir et de l’occulte. Un disque à garder près de soi précieusement pour les longues soirées d’hiver, à lire du Lovecraft comme un mec finalement heureux de vivre dans ce qui fait sa vie ici-bas.