Faire Ça
Meril Wubslin
Il est difficile de parler du nouvel album de Meril Wubslin sans parler du précédent : Alors Quoi, leur premier sorti sur le label suisse Les Disques Bongo Joe. Un petit miracle d’avant-folk enivrant, enregistré directement sur bandes, avec un minimum d'instruments électrisés. Synonyme de premiers concerts post-confinement, le résultat fut cathartique pour moi qui l’ai érigé en haut de mon classement personnel pour l’année 2021.
Avec Faire Ca, leur quatrième album, toujours porté par les voix du duo lausanno-bruxellois (Christian Garcia-Gaucher et Valérie Niederoest), Meril Wubslin élargit le champ des possibles, en allant enregistrer à Lewisham dans le studio de Kwake Bass, collaborateur régulier de Sampha et Kae Tempest. Je ne sais pas qui a eu l’idée d'envoyer Meril Wubslin en voyage initiatique dans la banlieue londonienne, chez un producteur aussi éloigné de leurs connivences naturelles, mais quand on entend le riff introductif de « Au calme », on se dit que c'était le changement nécessaire pour dépasser les attentes inatteignables posées par Alors Quoi. Un saut de côté dont Meril Wubslin a l’habitude puisqu’un écart stylistique comparable avait été observé entre Alors Quoi et Sinon (leur deuxième, plus post-rock, sorti en 2016).
La musique de Meril Wubslin est-elle compatible avec des méthodes de production plus modernes ? Pas tout le temps, car on y perd évidemment en spontanéité. Heureusement, producteur et groupe partagent une passion pour la dub et ses effets de manche. Par exemple, la grosse caisse du nouveau batteur David Costenaro est omniprésente sur l'intégralité de l’album, un beat rassurant qui accompagne l’écoute. De la même manière, les voix sont mises en avant comme jamais. Sur « Tout est curieux », le rap laconique de Christian Garcia-Gaucher n’a jamais été aussi clair. Tellement alien que je pensais qu’il s’agissait d'un invité. A l’inverse, sur « Grands espaces » la froideur du chant trituré de Valérie Niederoest sert de contraste avec l'instrumentation à couches multiples.
Les synthés, mis sur le banc de touche, reviennent en force. On réinvite parfois le concept de trip hop acoustique, notamment sur « Famille phare » qui convoque l’anxiété bricoleuse de Maxinquaye. Toujours inspiré par la musique trad’ qui transe, les rythmiques enivrantes à la guitare acoustique refont surface sur « Tout Passe ». Et « La main » renoue avec les harmonies vocales entre voix féminine et masculine. L’album finit sur « L’eau monte » qui rappelle la puissance acoustique des compatriotes de Young Gods. Même quand iels passent de la montagne à la ville, Meril Wubslin construit ses paysages sonores en complémentarité permanente.