Fair Enough EP

Para One & Tacteel

Fool's Gold – 2011
par Aurélien, le 17 juillet 2011
8

Il y a mille et une façons de dire que l'on est de retour dans le biz. Celle de Jérôme Echénoz, alias Tacteel, restera sûrement la meilleure de 2011: « Had a great time in studio today with @paraoner ». Silencieux depuis 2007 (à l'exact opposé de son acolyte Para One), ce Fair Enough EP constitue sa première sortie réellement consistante depuis les arpeggios hantés du Saint Etienne EP ou les des deux dernières sorties des trublions de TTC - qu'il a produites avec Para One justement. Mais tout cela semble déjà si lointain: aujourd'hui TTC semble en standby, Para One est un DJ qui a le cul entre un milliard de chaises, et Marble et Sound Pellegrino ont remplacé pour toujours Institubes. Alors qu'est ce qui inciterait ceux qui se sont fait connaître avec le bordel sonore glitchy qu'était Fuckaloop à reproduire les mêmes vieilles formules? Pas grand chose en fait, et c'est tant mieux : Fair Enough n'a à peu près rien à voir avec leurs précédents travaux. Fair Enough EP est avant tout un hommage appuyé à la musique électronique, de France et d'ailleurs. Exit donc les ordinateurs, les beats on repeat ou l'eurocrunk. A la place, nous avons un EP qui suinte bon l'analogique et dégage un amour certain pour les beats disco un peu froids.

« A1 » ouvre l'EP sur une espèce de dance en slow-motion, un arpeggio étouffé copulant avec un beat entraînant qui transpire la retenue. L'auditeur s'abandonne comme une fleur sur la piste, jusqu'à ce que les nappes viennent gentiment lui violer le cœur. C'est à la fois beau, intense et désespéré. D'ailleurs, a quelques pas de là, « Touch ! » n'arrange pas grand chose avec sa montée italo-disco et ses vocodeurs cheesy. L'ascension est superbe, tendue mais incroyablement aérienne. Mais le mieux c'est quand le beat nous laisse seul à seul avec cette mélodie fragile, taillée à la serpe : on en perd toute notion de gravité, de réalité. Tout n'est donc pas tout rose dans le processeur du Moog ou du Prophet des deux copains. Pour autant, jamais leur son n'a semblé aussi carré, aussi léché : il y a bien quelques simili-pétages de câbles dans ces deux pistes, mais le tout reste extrêmement mesuré histoire d'éviter de nuire à l'équilibre parfait qui émane de ces pistes diablement enivrantes.

"Et sinon, toujours aucune trace des arpèges miraculés de Tacteel ?"  On y vient. Parce qu'il nous sort le grand jeu monsieur Echénoz, et par deux fois même. Avec « Rome » d'abord, le coup de poing dans le bide de ce court format. Le gimmick de clavier ultra-pute de départ, plus orgasmique que Megan Fox dans Transformers, se la donne contre une marée de triolets plus mystiques que les jouissances d'une harpe qui aurait bu un coup de trop. Mais ce n'est pas fini et voilà que c'est « Always » qui se pointe. Une introduction Röyksoppienne, un beat qui dégage les nuages et surtout, un ton pop un peu hippie à la limite du hors-propos. Quel bonheur, et aussi quel dommage que Céline Sciamma ait fait de cette sucrerie électronique le morceau phare de son dernier film Tomboy, parce qu'on aurait voulu le mettre partout : dans nos vidéos de vacances, en ouvrant un Pepsi, dans nos barbecues, à notre mariage, à la naissance de son enfant.

 

Vous l'aurez compris, cet EP n'est pas franchement cohérent, raison pour laquelle suivant l'humeur on aimera se passer tel ou tel morceau plutôt que l'intégralité de ces cinq titres. Mais qu'importe ? Chacune des plages de cette nouvelle livraison du duo est une véritable célébration dotée d'une essence qui lui est propre, tranchant assez nettement avec tout ce qu'il nous avait apporté avant ce Fair Enough EP  - et probablement tout ce qui arrivera ensuite. Vintage, aérien, mathématique... autant de qualificatifs qui ne rendent finalement que trop peu compte de la qualité globale de cette belle tuerie, en parfait accord avec un été plein de soleil.

Le goût des autres :
7 Jeff 7 Soul Brotha