Fabric 71
Cassy
Evidemment qu’un dj set, au même titre qu’un mix, doit raconter un truc, transmettre des émotions, emmener l’auditeur quelque part. C’est tellement bateau à dire, mais tellement vrai aussi. Un peu comme un discours en somme. Après, il en va de certains discours comme de certaines sélections mixées: on en retient l’introduction et (surtout) la conclusion. Evidemment, on connaît tous la propension (tout à fait compréhensible) de pas mal de dj’s à terminer leur slot par une bombe aussi imparable que parfois improbable. Le killer track qui fout un souk pas possible et des étoiles plein les yeux. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au Panorama Bar, on a le chic pour terminer ses mixes d’incroyable manière.
L’année dernière déjà, c’est le tôlier Nick Höppner qui nous faisait découvrir sur Panorama Bar 04 ce qui allait devenir un tube international quelques mois plus tard, le « New For U » de Andres. Une bombe house d’une telle simplicité que beaucoup ont tiqué lorsque le titre a été élu single de l’année par la référence Resident Advisor. Soit. Pour la Fabric, c’est un autre résident du temple berlinois de la house, en la personne de Cassy, qui finit son heure aux platines par un titre que l’on rêve d’entendre à la fin de n’importe quelle set de deep house kilométrique, quand le soleil s’est lèvé depuis belle lurette et que les guiboles commencent à lâcher. Ce titre, c’est le « (My Back Is) Against The Wall » de Duster Valentine, sorti l’année dernière et ignoré par pas mal de monde, nous y compris. Un titre que l’on trouverait peut-être quelconque placé ailleurs dans ce Fabric 71, mais qui laisse parler tout son pouvoir évocateur après 60 minutes passées en la compagnie de l’Anglaise exilée à Berlin.
Mais quid du reste allez-vous demander ? Et bien sachez qu’il mérite largement la petite quinzaine d’euros que l’on vous extorquera en échange du joli boîtier métallique. En même temps, venant d’une donzelle dont les résidences ne se limitent pas à Berlin, mais envahissent régulièrement Paris (Rex Club), Alsterdam (Trouw) ou New York (Output), on pouvait s’attendre à un exercice maîtrisé, calculé et soigné. C’est exactement ce que l’on retrouve sur ce Fabric 71. La dénommée Catherine Britton y fait preuve d’un amour pour les sélections goûtues et hédonistes, centrées autour de tracks qui sont autant de coups de cœur pour l’anglaise, mais qu’elle arrive à mettre en musique en évitant le piège de l’enchaînement des singles fous.
Progressivité est également l’autre maître mot d’un mix qui monte lentement mais sûrement dans les tours, Cassy se permettant même de quitter la moiteur du Panorama Bar qu’elle connaît si bien histoire de s’offrir un petit détour dans la pénombre oppressante du Berghain concomitant, avec des tracks plus martiales, à l’image de « Completely Gone » d’Emptyset, auquel vient se greffer le « 010x » de Benjamin Damage – probablement l’un des enchaînements les plus réussis de 2013. Pourtant conçu selon la principale intéressée comme un ensemble de morceaux qui lui tiennent particulièrement à cœur, on réalise vite que ce Fabric 71 est un mix dont les choix musicaux s’effacent derrière une fluidité et une cohérence plus globale qui confirme tout le bien que l’on pouvait déjà penser d’une femme qui a certainement plus dans le slip que pas mal de ses collègues.