Fabric 52
Optimo (Espacio)
Deux questions qui tuent : 1. aujourd'hui, qui écoute encore des mixs sur CD ? 2. A une époque où les dj-mixs se dégottent sur le net à la pelle, gratuitement et même pas forcément de façon illégale, est-il encore pertinent de se limiter aux sorties officielles sur disques de nos DJ's favoris ? Ce qu'on veut dire ici, c'est que le meilleur Optimo qu'on ait entendu ces derniers temps, ce n'est assurément pas ce Fabric 52 mais bien des podcasts sur la synth-pop 80 et des trucs repiqués de la console du Sub Club ou de festivals. Bref, de la musique enregistrée au feeling, en direct, lors d'évènements spécifiques et non dans un studio en réponse à une commande de label, avec tout le travail d'obtentions de licences en amont que cela exige et même éventuellement de promotion pure et de renvoi d'ascenseur.
Le CD mixé est un objet commercial et réfléchi, voilà son drame, car il supporte rarement la concurrence de la spontanéité plus sauvage, de la meilleure gestion de temps et de la liberté plus débridée des mixs live ou triturés à la casa pour le pur fun traînant sur le net. Bien sûr, le CD mixé a aussi ses monuments, son histoire, ses hauts faits d'armes. Optimo y a brillé, surtout en sortant en 2004 l'hystérique How to Kill a DJ Part 2 et l'increvable Psyché Out sur Eskimo quelques mois plus tard. En fait, ont brillé tous ceux qui ont proposé un concept fort. S'il s'agit d'aligner en bocal des tubes à 125 bpm, ça n'a effectivement qu'un intérêt très limité. Pas un hasard que le CD mixé à la fois le mieux vendu de l'histoire récente mais aussi parmi les plus remarquables jamais édités soit celui des 2 Many DJ's; l'étendard du mash-up intégral, du soundclash final. Pas un hasard non plus qu'Optimo sonne nettement plus passionnant lorsqu'il se propose d'explorer la synth-pop pour un blog musical ou de donner sa version du psychédélisme à un label leur signant une carte blanche que lorsqu'il répond comme ici au cahier de charges d'un mix concocté pour la gloire d'une grosse discothèque londonienne. Votre mission, si vous l'acceptez : tronçonner du bois de dancefloor. Mais en studio et le temps d'un CD!
Alors ça tronçonne et en 76 minutes, Optimo résume à la truelle ce qui fait le sel de leurs sets de plusieurs heures : grands écarts stylistiques à gogo, prises de risques, dérapages dans le portenawak, passages ardus et même tracks tout ce qu'il y a de plus putes. Que tout cela soit condensé à ce point est le principal problème de ce disque très mal agencé, principalement découpé en 3 grosses tranches sans vraie logique entre elles : de la techno chimique, du groove lourd et, enfin, des sons plus pop et souriants. Le topo, il est tel quel : au bout de 20 minutes, la techno vous rend dingue mais alors que ça monte, monte, monte, mais non, elle s'arrête d'un coup (net!!!), s'écrase dans de l'acid-house lente et glauque avant que le mix ne se perde ensuite entre vieilleries new-wave à la mauvaise vitesse (Rheingold, à l'origine sec et sexy, ici pataud car pitché en négatif!) et electro africaine (!) pour enfin rebondir vers de l'italo/nu disco nettement plus accessible mais pas non plus franchement passionnant. Ce manque de cohérence, de construction, de progression... N'importe quel DJ, même de bar de gauche, sait très bien d'où ça vient, ça : le fait de jouer sans public! Difficile, en effet, quand on pratique l'éclectisme musical, de ne pas se perdre dans la musique quand il n'y a ni sourire des filles, ni hurlements des garçons, pour vous inspirer autre chose qu'un étalage culturel geek!
Le tracklisting n'est pas le problème, c'est sa gestion qui pose souci : couper les morceaux trop vite, coller des trucs qui n'ont rien à voir entre eux, passer de l'ectasy au speed en passant par la bière. Bref, ce n'est pas réussi, ce n'est pas foiré non plus, c'est comme un trailer ou un teaser pour une soirée où les tracks dureraient plus longtemps, les transitions seraient mieux maîtrisées, l'ambiance prendrait le temps de s'installer, les clubbeurs de dégénérer. Comme Optimo tourne à cadence soutenue durant l'été, gageons que cette soirée sera là bientôt. Sous tente ou sur un torrent.