Everything Now
Arcade Fire
La première écoute du single « Everything Now », nous y avons eu droit en ouverture de leur show au Primavera Sound en juin dernier. Le morceau embuait déjà les réseaux sociaux depuis quelques jours mais nous n’avions pas encore cédé au clic. Globalement, les commentaires ironisaient sur ses claviers en mode Abba et sur son orgie de lalala. Avec le recul, on se dit que notre patience (ou notre fainéantise) a été bien récompensée. Une fois dégoupillé sur scène, « Everything Now » est une véritable prise d’otages, une capsule de sérotonine larguée depuis un drone montréalais. Tu étais psychologiquement prêt à railler ces petits racoleurs de foules et te voilà dépouillé de ton bon sens, en train de leurs ouvrir ton portefeuille de bon cœur.
Sauf que Arcade Fire n’est pas là pour te faire les poches. Arcade Fire a tout compris. Arcade Fire sait que sa tribu ne visitera plus jamais les petites salles et qu’il est temps d’embrasser sa position de dos argenté. Mais pas n’importe comment. Chaque sortie est devenue l’occasion pour le groupe de remuer sur sa base et de se poser des questions. Parfois un peu trop, parfois avec les mauvaises réponses, parfois avec des résultats mitigés. En attendant, lorsque la bande se met à teaser de la nouveauté, le filet ne peut s’empêcher de frémir. A ce niveau-ci de sa carrière, Arcade Fire s’est résolu à divertir les stades mais n’est pas encore prêt à délocaliser ses chansons dans une chaîne de montage du Bangladesh.
On fait venir des pointures pour bétonner la production (Thomas Bangalter, Geoff Barrow et Steve Mackey qui ont tous vraisemblablement posé leur patte quelque part). On lustre les textes et on dégage de la punchline tel ce « God, make famous, if you can’t, just make it painless » parfaitement imprimable sur un t-shirt au stand merch. On roule des biceps en enchaînant les trois plus grosses claques d’entrée de jeu (« Everything Now », « Signs of Life » et « Creature Comfort »). On fait également le point sur le chemin parcouru. Il y a bien entendu ce virage « boule à facettes » déjà entamé sur Reflektor mais aussi des coups de coude à The Suburbs ou Neon Bible, toujours en filigranes sous la disco mélancolique. Seul Funeral ne fait plus partie de la fête. Il est devenu un trophée sur une étagère, en perpétuelle recherche de son jumeau pour former le plus rutilant des presse-livres. L’ensemble a beau perdre de l’altitude avec l’anodin « Chemistry » et un « Infinite Content » doublement creux, il suffit d’offrir son tour de chant à Régine Chassagne (« Electric Blue ») pour excuser le trou d’air.
Au final, Everything Now est un album qui rue dans la masse sans se soucier des dommages collatéraux. Il affiche ses messages au néon et ne tente pas de dissimuler les échafaudages. Et c’est très bien ainsi. Simplement parce qu’il nous donne toujours très envie de faire des lalala lors de leur prochaine tournée en salles.