Ester
Trailer Trash Tracys
C'était il y a bien longtemps, je n’étais encore qu’un jeune indie kid. J’avais découvert, au hasard de mes journées glandouille/farfouille sur le Net une petite pilule qui permettait à quiconque la gobait de remonter le temps, et mieux encore. Un petit cercle rouge emballé dans du papier transparent rehaussé d'une petite étiquette noire sur laquelle on pouvait déchiffrer ces inscriptions : « No Pain In Pop ».
A peine la dose prise, mon esprit s’était embué et me renvoyait à un âge où, tout adolescent que j’étais, je cherchais à fourrer mon doigt dans tout ce qui était rond et humide. A un âge où je rêvais des seins rebondis d’Elisabeth Shue dans Le Saint. J’avais envie d’être à la place de Val « Ice » Kilmer, ce foutu couillon avec ses incisives aux allures de Freedent. Alors, dans un passé pas tout à fait réel, pas tout à fait fantasmé, mes souvenirs me projetaient devant les yeux ces images de la première main, des premiers doigts chauffés par l’alcool, caressant la peau sablée à l’odeur de tequila citronnée, glissant sous le nombril d’un corps sans visage vers ces premières douceurs duvetées encore jamais conquises par l’homme.
Deux titres sur ce 45 tours (et qui seront présents sur le nouvel album, la délicieuse réverb’ métallique en moins), « Candy Girl / Wish You Were Red ». Ca sentait la luxure dépressive, comme les Raveonettes ondulant dans un écran de fumée qui brouille les pistes, entre mémoire et hallucination volontaire. J’ai chéri ce 45 tours assez limité, espérant que le groupe deviendrait énorme, démontrant ainsi au monde entier quelle clairvoyance j’avais eu en plaçant ma confiance en ces deux pistes, isolées, sans images référentes, perdues dans la blogosphère.
Alors, je ne vous cache pas mon excitation et ma crainte vaguement masquée par de l’indifférence à l’annonce de la sortie de l’album. Et puis, je l’ai écouté. Et ça m’a rendu profondément triste. Pas dans le bon sens du terme, pas nostalgique. Non, plutôt dégoûté. Comme l’impression que pendant ce laps de temps, qui m’a semblé une éternité, les Trailer Trash Tracys ont dû virer un de leurs musiciens pour le remplacer par un geek comptable qui programme sa boîte à rythme comme sa calculette graphique Texas Instrument avant le bilan de fin d’exercice. Les nouvelles pistes, dont je ne prononcerai même pas le nom, tentent vainement de faire voyager l’auditeur sans pour autant le faire décoller. La faute à cette espèce de samba neurasthénique pour hypeux qui ont mal à la vie. Parce que ouais, cet album va faire parler de lui. Ester va être « hype » par son côté chic et trendy et « je-prends-quoi-avec-mon-Seroplex?-Whisky-ou-vodka? ».
J’ai une théorie toute personnelle : une chanson est bonne si on peut en faire une analogie sexuelle cohérente. On aurait donc ici, pour ces viles compositions de remplissage, l’équivalent d’une partouze entre Ronald Mc Donald et des travelots brésiliens défoncés. Non, sérieusement, rien de leurs nouvelles créations ne me rendra mon passé tant rêvé, concentré dans ce petit bout de vinyle rouge et ces deux titres qui sauvent tout l’album du déshonneur.