Equal Idiots
Equal Idiots
Outre les qualités musicales que développe le duo flamand Equal Idiots sur son troisième album, ce dernier est aussi intéressant d’un point de vue sociétal puisqu’il permet de tirer un constat un peu alarmant sur l’imperméabilité persistante des frontières culturelles entre le nord et le sud de la Belgique. Il est un fait certain que le plat pays est à deux vitesses dans de nombreux secteurs et notamment celui de la culture. Si le talent ne manque pas, il est désolant de voir trop de projets musicaux alternatifs développés du côté néerlandophone se retrouver cloisonnés sur leur territoire et pourtant parvenir à exister de manière plus qu’honorable chez eux. Le sujet mérite en tout cas débat et le groupe qui nous intéresse ici semble en être la parfaite incarnation.
Equal Idiots existe depuis déjà une dizaine d’années et lorsqu’on prend un peu la température en terre flamande, on se rend rapidement compte que ce groupe est déjà bien installé dans le paysage musical alternatif et que leur punk garage trouve sa clientèle. Loin de nous l’idée de se perdre en hypothèses fumeuses mais la raison de cette reconnaissance est peut-être à aller chercher auprès des médias néerlandophones qui osent faire sortir de l’anonymat des groupes qui le méritent et ont clairement quelque chose à proposer. Que ce soit par simple flair ou par l’intermédiaire de concours parfaitement organisés (le Humo Rock Rally ou De Nieuwe Lichting, géré par la radio de référence Studio Brussel où officie accessoirement le chanteur et guitariste Thibault Christiaensen), le nord du pays semble moins frileux à l’idée de diffuser des artistes de calibres différents en n’ayant pas peur de mixer des grosses machines de l’industrie avec des découvertes qui souvent valent le coup. L’évocation des deux concours précités n’est bien sûr pas anodine puisque c’est notamment via ceux-ci que tout a décollé pour Equal Idiots en 2016.
Et si les deux premiers albums du groupe étaient empreints d’une fougue attachante, ils n’en enfermaient pas moins des compositions intelligentes malgré leur apparente naïveté (« Toothpaste Jacky », « Put my Head in the Ground » ou l’hymne « Adolescence Blues »). Mais ce troisième disque portant sobrement le nom du groupe semble se présenter comme un virage dans la carrière de ces presque trentenaires et comme un marqueur fort de leur identité musicale. Comme une entrée dans la cour des grands. On pousse la disto de cinq crans et on balance des riffs d’une solidité à toute épreuve servis sur un lit de batterie plus furieux.
Ce qui saute aux oreilles (voire à la gorge pour certains titres) avec ce Equal Idiots, c’est le choix d’une production sale rendant parfaitement justice aux morceaux les plus garage et le recours à une reverb sans nul doute conseillée par Stijn Vanhoegaerden, le guitariste de Brutus dont l’influence s’apprécie dès les premières notes du single « I am the Light ». Des ingrédients calculés sans être calibrés qui offrent un boulevard d’expression au groupe pour toucher un auditorat certes favorable à son rock’n’roll d’une énergie folle mais qui pourra clairement aussi aller titiller les esgourdes de fans de punk hardcore (« Shoot ») ou de mélodies plus pop rock (« Strawberry »), voire de balades déviantes (« Pandemonium »). Equal Idiots frappe donc très fort avec ce troisième album qui se présente d’ores et déjà comme l’un des disques belges de cette année et nous fait nous poser la question de savoir si on ne tient pas là notre Royal Blood à nous, en un peu plus sauvage bien sûr.