End of the Middle

Richard Dawson

Domino – 2025
par Erwann, le 17 février 2025
7

Nul besoin de vous répéter que le monde ne va pas bien. Par contre, ce qu'on peut faire, c'est vous enjoindre d'écouter l'un des auteurs-compositeurs les plus pertinents de notre époque : Richard Dawson. End of the Middle poursuit sa série d'albums folk conceptuels traitant de l'effondrement - qu'il soit sociétal, personnel ou même musical. Comme tout grand auteur, Dawson a une façon unique de manier les mots pour capturer sans effort le malaise d'un monde qui vacille, où les structures du passé s'effondrent et où l'avenir reste insaisissable. Et pourtant, son objectif n'est pas purement "macro" ; il s'étend également à la sphère personnelle, là où l'on lutte contre la désillusion du quotidien, l'évanouissement du sens et le poids du temps.

Ce sentiment d'instabilité et de décadence est un thème central de l'œuvre de l'Anglais, qu'il inscrit dans une critique cinglante du capitalisme : Richard Dawson examine depuis longtemps les effets des systèmes économiques sur les individus, qu'il s'agisse du labeur médiéval sur Peasant ou des luttes modernes de la classe ouvrière sur 2020. End of the Middle est donc la progression naturelle de cette idée, dépeignant un monde où l'illusion de stabilité s'est complètement effondrée. "Boxing Day Sales" en est un exemple retentissant, transformant le shopping d'après-fêtes en une scène sombre et quasi apocalyptique de consumérisme frénétique. Des moments comme celui-ci mettent en évidence le mélange d'absurdité et de réalisme brutal de Dawson - qui transforme un moment du quotidien en un reflet grotesque de ce capitalisme métastasé. Pour amener ce propos somme toute déjà entendu vers des horizons nouveaux, il a recours à des techniques narratives semblables à celle d'un barde ou d'un ménestrel. Sa voix et son timbre donnent à ses histoires surréelles un aspect étrangement tangible, comme si l'on entendait des mythes futuristes inachevés dans une taverne nauséabonde.

Cette même instabilité se retrouve dans les sonorités de l'album, qui fait le lien entre les racines folk de Dawson et ses envies d'expérimentation, comme l'illustre le passage jazz dissonant sur "Bullies". Tous les morceaux oscillent ainsi entre tendres mélodies et moments de désordre (parfois les deux entrent en collision, comme sur "Knot"), renforçant le message central de l'album : la transition est rarement sans encombre. Et à l'image des thèmes qu'il explore, le chemin proposé par l'album n'est pas dénué de nids-de-poule et d'ornières. Si End of the Middle n'atteint pas le niveau d'immersion d'un Ruby Cord ou d'un Peasant, il confirme cependant que Richard Dawson est l'auteur le plus fascinant de la folk moderne, transformant des échos historiques en récits étrangement prophétiques.