Embryonic
The Flaming Lips
Les Flaming Lips sont peut-être moins incontrôlables qu'on le pense, pas aussi insouciants que leurs ballons géants sur scène pourraient le suggérer. C'est donc en prenant ce contre-pied de l'avis général que nous allons attaquer leur nouveau bébé, Embryonic. Partout, on peut lire à quel point il est osé, couillu, voire même suicidaire. À plus d'un égard cela peut s'entendre et on verra pourquoi. Et pourtant, on peut aussi l'envisager comme une simple réponse au très mal-aimé At War with the Mystics, une réponse pertinente, réfléchie par rapport aux critiques qui s'étaient déchaînées à l'époque.
Reprenons l'histoire en 2006, quand après les succès retentissants de The Soft Bulletin et Yoshimi Battles the Pink Robots, Wayne Coyne et sa bande sortent leur pamphlet aux mystiques. L'album est très mal accueilli : trop pop, trop bien pensé, pas assez bordélique. La seule erreur du disque est sans doute d'avoir eu de très mauvais singles – car en-dehors de cela il était, osons le dire, quasiment irréprochable – mais l'échec fut la seule chose qui fut retenue, et ce pour la première fois depuis longtemps.
Ainsi, il nous apparaît étrange de crier à la liberté totale quand à l'écoute d'Embryonic on constate qu'ont été méticuleusement gommé tous les points qui leur avaient été reprochés précédemment. At War with the Mystics était trop propre, trop hétérogène, trop moderne ? Celui-ci est sale, pue le vintage et s'écoute comme un concept-album. Embryonic est en somme un doigt d'honneur attendu, une folie adaptée. C'est ce paradoxe qui peut être gênant, d'autant plus que l'on sent le renouveau expérimental des Flaming Lips comme forcé et même à certains moments fumeux. Pourquoi les basses sont-elles aussi saturées ? Pourquoi le mixage général est-il aussi écorché ? Pourquoi surtout les morceaux semblent-ils aussi peu finis ? On dirait franchement qu'Embryonic est un "leak" de milieu de session d'enregistrement... Il nous en faut bien plus pour applaudir un retour aux sources qui sur ces points-là s'apparente à de la pose.
Le pire dans cette histoire, c'est qu'hormis ces défauts relativement encombrants, Embryonic est bien le grand disque attendu. Celui qui avec quelques repères pop sécurisants revisite l'ensemble du psychédélisme 60's, du prog 70's et du jazz-rock naissant. Les Flaming Lips ont certes un déficit technique dans les moments les plus free, mais ils ont le génie mélodique au balcon, avec leur capacité inouïe à trouver des accords accrocheurs et des harmonies vocales parfaites. Nous voilà en fait face à un album foisonnant, incroyablement dense, rempli de moments incroyables (l'enervé "Gemini Syringes", le floydien "Gemini Syringes", le kraut-pop dantesque de "Silver Trembling Hands"...) mais surtout gâché par une volonté de trop surligner sa démarche.
Pitchfork écrivait qu'Embryonic aurait pu être un des pires disques de 2009, mais que ça en était en fait un des meilleurs. Nous disons pour notre part qu'il aurait pu être le chef d'œuvre de l'année, mais qu'il n'est qu'un mythe inachevé, une promesse inaccomplie. Agaçant et frustrant.