Ed Rec.Vol.III
Various Artists
Troisième compilation du genre déjà pour l’inévitable label français Ed Banger qui ne cesse de susciter autour de lui les foudres/louanges des uns et des autres au travers de polémiques et autres plans promos de grande envergure. Car en effet, parler de cette écurie en occultant son gout démesuré pour les frasques ostentatoires est devenu une mission bien difficile par les temps qui courent. Dans cette logique, parler du nouveau recueil des œuvres du label en des termes strictement musicaux s’avère aussi difficile, pour autant qu’on veuille y trouver un quelconque intérêt. Car à une époque où le label se voyait en passe de devenir le nouveau phénomène incontournable du gros son électronique, le côté mécanique de la chose se voyait excusé par une envie de paraître à tout prix cohérent. Désormais bien installé dans le paysage musical hype, Ed Banger n’en a toujours pas fini avec ses vieux démons, et continue de se voir hanté par des manies qui tournent peu à peu à la mauvaise farce.
Car en lieu et place d'une amélioration globale, on observe avec dépit une régression évidente et non dissimulable au sein des productions de tous les membres confondus du label. La globalité du son Ed Banger étouffe, fatigue et pèse par ses aspects « tout-en-un », et ce, malgré des efforts manifestes pour continuer à plaire. De Busy P à Mr.Oizo en passant par Feadz, on reste de marbre à la vue des douze titres ici proposés : pas de réelles implications sinon la volonté de s’en sortir avec les lauriers au moyen d’un son uniformisant et vulgarisateur au possible. On pourrait donc penser qu’une fois passé sous le crible de la broyeuse Ed Banger, la musique électronique devient une institution parfaitement lisse et rabotée de ses aspérités. Des formes multiples d’expression (hip-hop, rock, rave) qui, une fois rassemblées sous le faisceau de cette nouvelle tendance à la largitude, n’auraient plus rien d’étrangères, se retrouvant béantes dans le grand bain dissolvant qu’est l’Ed Bangerisation de la scène hype française.
Pour beaucoup, il ne s’agit pas d’un mal en soi, du moins pas assez incurable pour leur en tenir rigueur. Puis après tout, il n’y a pas de mal à se prendre une large tranche d’absence musicale ,nous dira-t-on : le plaisir étant avant tout quelque chose de relativement primaire au moment d’aborder les dernières heures de votre sortie en club, alors que se profile à l’horizon les formes caricaturales d’un <b>Justice</b> ou d’un de ses demi-frères consanguins. Enfin, on peut évidemment se dire que tout n’est pas à jeter, que certains de ces écorchés du son pourraient encore nous gratifier d’un éventuel frisson musical, dernier bastion d’une industrie manifestement en crise.
A ce titre justement, force est de constater que Dj Mehdi a le chic pour nous consoler avec un « Pocket Piano » à tomber raide, virulent de passion et d’influences délicieuses promptes à un partage heureux (sans pour autant recourir à la tronçonneuse pour autant). Sebastian passe le test de justesse avec un « Dog » qui confortera les amateurs du Monsieur dans l’idée (fort présomptueuse peut-être) qu’il est une perle dans un océan de boue à l’aide d’un son radical et tendu, qui ne crache plus mais gerbe, tranche après tranche, des riffs crasseux comme le reste de la compile. Justice monte tout logiquement au créneau à l’aide d’un autoremix plutôt inspiré de son titre qui avait créé le débat franco-français de l’opportunité de « Stress » réalisé par Gavras il y a peu. Au rayon des tentatives désastreuses, l’accueil raté du hip-hop au sein du label ne laissera que peu de souvenirs brûlants dans les consciences malgré la présence de Murs et de Spank Rock.
Pas vraiment de quoi se réjouir donc pour le label. Mais au fond tout le monde s’en fout un peu. Le label étant devenu une marque de plus, mais cette fois-ci terrifiante de par ses intentions régulatrices de la mode musicale actuelle. Après tout, ce Ed Rec.Vol III est peut-être le signe avant-coureur d’une déconfiture prévisible et presque annoncée dès la naissance, un retour de flamme qui se ressent encore à l’état de frétillement mais qui semble bel et bien vivace dans sa persistance. Mais au fond, de cela aussi, on se fout un peu.