Echocord · Jubilee Comp
Various Artists
En voyant arriver dans la boîte aux lettres de notre siège social (situé le long d'une plage mexicaine) la nouvelle compilation du label Echocord, on s'est rapidement dit que sans même l'avoir écoutée on pouvait vous la décrire de manière presque fidèle. C'est d'ailleurs un peu triste quand on connaît la grandeur de cette structure dans l'inconscient des amateurs de techno de tous bords, et de la mouvance deep/dub en particulier. En même temps, être la figure de proue d'un genre musical qui se mord la queue tient autant de la gloire que de la pénitence : impossible de passer à côté, ni de son statut, ni de ses défauts. On va sans doute passer pour des hérétiques sans nom auprès de tous les fans de dub-techno/deep techno mais on a hésité à chroniquer cette disquette. Trop de phrases cent fois ressassées, trop de clichés musicaux, trop de perfection deep. Surtout que les nombreux fans du label n'ont pas besoin de nous pour se diriger vers cette plaque. Et puis merde, un jubilé ça n'arrive que toutes les cinquante sorties, il fallait qu'on soit sûr de notre coup. C'est alors que, toujours sur notre plage au Mexique, cette compilation a fini sur les platines de notre soundsystem géant. Et là : grosse claque, scampis à terre et regards comme des sous-tasses.
C'est à croire que les Danois ont entendu nos prières: exit le scrutement chiant des abysses sous-marines sur fond de kicks techno étouffés et de claviers oppressants, ils ont enfin compris qu'il n'était pas nécessaire d'aller s'enterrer à huit cent mètres sous le niveau de l'eau pour faire de la belle musique. Comme par magie, et surtout en faisant plus simple, les dix producteurs présents ont su faire de ces dix titres une compilation absolument succulente – pas autant que mes scampis à présent remplis de sable mais quand même. Tous les titres s'unissent avec une vigueur qu'on n'imaginait plus: Fluxion attaque avec une composition sortie d'outre-tombe, qui retrouve son kick 4/4 après avoir lutté contre une ambient sibylline; Quantec posera des bases conventionnelles mais solides pour annoncer un Deadbeat tapant dans une veine percussive comme au temps de son génial Roots And Wire. Puis il y a cet enchaînement presque illégal tant la qualité est partout présente : Onmutu Mechanicks, Brendon Moeller, Luke Hess, Resoe, Stephen Hitchell – dont le « For Convextion » rappelle parfois le « Jaguar » de Dj Rolando – Fenin et enfin Mikkel Metal, rien ne se perdra plus jusqu'à la fin. Plus les titres avancent, plus on monte dans les tours.
Echocord relance l'idée du clubbing techno à base d'eau salée, de plaines arctiques et d'ambiances deep as fuck. Sauf qu'il y a ici assez de tension pour tenir debout une centaine de mecs prêt à danser comme des morts de faim pour un bout de mie. Non pas qu'on préfère Jack Sparrow au Capitaine Cousteau, mais on préfère les hippocampes avec un casque sur la tête et un trident en main. Il a suffit à ce merveilleux label d'émerger quelque peu la tête hors de l'eau pour qu'il retrouve soudainement une splendeur qu'on avait peur d'avoir perdu, la faute à trop de rêveries sous perfusion.