Dring
Nôze
En général, le rock ne doit surtout pas être "festif", de peur de se voir associé à une armada de groupes aux noms bidons flairant la bière tiède, le chichon bon marché et les lendemains qui déchantent. A l'inverse, la musique électronique peut sans problème se voir affublée du précieux qualificatif qui, s'il est utilisé à bon escient, peut donner des résultats absolument fendards. Et festifs, les gars de Nôze le sont certainement. De fait, l'image que renvoient les deux Parisiens, c'est celle d'un groupe dont la seule vocation est de brûler la chandelle par les deux bouts, de préférence sur scène, torse poil, une bouteille de champagne dans une main et un micro dans lequel beugler dans l'autre. Les Shane McGowan des claviers quoi.
Cette image de noceurs invétérés, Ezechiele Pailhès et Nicolas Sfintescu semblent s'en accommoder et sont parvenus à la capturer dans leur précédent effort, Dancing on the Rocks. Sorti sur le label Get Physical, ce disque aux contours house sur lesquels venaient occasionnellement se greffer des influences jazzy, balkanisantes ou latines contenait son lot de tubes essentiels, à commence par le gaudriolesque "You Have To Dance" ou l'hymne "Remember Love". Ce n'est donc pas peu dire que nos deux asticots en chemise blanche étaient attendus au tournant, d'autant plus que le premier single ayant fait surface il y a quelques mois, le sautillant et légèrement pouet pouet "Dring Dring", laissait penser qu'on était reparti pour une grosse nouba frôlant souvent avec le mauvais goût sans pour autant franchir les limites de la bienséance.
Mais un peu à la surprise générale, c'est un album beaucoup plus posé et introspectif (toutes proportions gardées, bien sûr) que nous proposent les deux Français. Et là où son prédécesseur renvoyait parfois à une imagerie un brin cheap mais ô combien chaleureuse, Dring sonne davantage comme un disque qui a muri en fûts de chêne, au relief varié et aux sonorités travaillées – on le comprend notamment en écoutant le cuivré et charnel "Cera Una Volta". En fait, on peine presque à trouver sur Dring des tubes en puissance qui reflètent l'image de serial noceurs renvoyée par le duo sur scène. Il y a bien quelques claviers évoquant les premières réalisations de Booka Shade pour nous inciter aux déhanchements, mais ils sont souvent noyés dans des ambiances paisibles, voire carrément glauques sur la ballade "Willi Will" qui voit Nicolas Sfintescu inviter une jeune fille à une partie de touche-pipi. Moins évidente et plus diffuse, la fête qu'attendait peut-être certains a quitté les alentours du slibard pour migrer vers le cerveau: tout sur Dring est mieux calculé, sagement dosé et réfléchi, que ce soit au niveau des performances vocales impeccables ou des productions plus rafinées que jamais.
Passée une seule écoute de ce Dring, on en ressort quand même le sourire aux lèvres et convaincus d'avoir entendus suffisamment de bonnes idées pour ne pas être floué. Certes, Nôze a laissé un peu de sa folie si vendeuse au placard, mais quand c'est pour nous livrer une produit fini d'une telle qualité, on est prêts à accepter de voir ces deux animaux s'assagir le temps de quelques morceaux. Convaincus qu'une fois sur scène, c'est de toute façon le champagne qui reprendra ses droits. Que la fête (re)commence.