Dreamstate
Kelly Lee Owens
A l'opposé d'un sentiment diffus de "Bregret" (contraction de "Brexit" et "regret") dépeint Outre-Manche et de sa cohorte de passions tristes, la scène musicale britannique semble baigner dans un océan de béatitude. Que l'on pense dernièrement à Fred Again.. et son (dispensable) Ten Days, à Charli XCX et son "Brat Summer", à Floating Points ou encore Four Tet, nos camarades rosbifs semblent respirer un air saturé de joie, marchant dans un monde aux couleurs chatoyantes, les yeux rivés sur des lendemains qui chantent.
Une vision certainement surfaite mais qui a contaminé toutes les têtes de gondoles de la scène UK. Dont acte. Une vague qui semble assez contagieuse puisque la dernière en date ayant attrapé ce virus de la "positive attitude " n'est autre que Kelly Lee Owens. Un virage d'autant plus déroutant lorsque l'on se replonge dans la relative froideur des expérimentations mêlant drone, noise et pop de LP.8 paru il y a deux ans sur Smalltown Supermusic. Une musique qui fleurait bon les vernissages d'art contemporain avec sa faune sapée en Arc'teryx, le sourire en option. Un brin opportuniste ce revirement donc ? Peut-être. Une véritable réussite ? Certainement.
La force de Dreamstate tient peut-être au fait que malgré ce virage un peu déroutant pour les auditeurs et auditrices de KLO, la démarche et l'énergie semblent authentiques. Pour donner dans le poncif journalistique, la Galloise est généreuse dans l'effort tout au long de ces 43 minutes. Il faut dire que la recette est rodée: une voix cristalline pleine de mélancolie adossée a une dance music de haut vol. Inner Song et Kelly Lee Owens avaient déjà ouvert la voie en mêlant techno et dreampop vaporeuse. Sur Dreamstate, la trentenaire a simplement poussé le curseur du mainstream plus loin, et ce, sans jamais tomber dans des mélodies génériques ou se vautrer dans les errements mélodramatiques d'un Fred Again.
Avec une entrée en matière plutôt calme sur "Dark Angel ", l'envie d'en découdre se fait sentir sur l'enchainement "Dreamstate", "Love You Got " pour atteindre son apothéose avec un "Higher" capable de rendre le sourire a un zemmourien sous Prozac. L'atterrissage s'amorce doucement autour du très pop "Ballad (in the end )" pour se clôturer sur les violons mélancoliques de "Trust and Desire". C'est sûrement là toute l'intelligence de Kelly Lee Owens : ne pas en faire des caisses, se placer en retrait pour frapper plus fort et plus juste sur des pistes pleines d'une joie contagieuse. L'effet n'en est que dédoublé.
On ne vous cache pas que ce quatrième album de la Galloise est une des meilleures choses que l'on ait pu entendre dans toute cette flopée d'artistes cités précédemment. À vous désormais de composer votre tiercé gagnant. Nous on connaît déjà notre championne.