Dream River
Bill Callahan
Bill Callahan est habitué à fermer des chapitres pour en ouvrir d’autres. Avec le changement de son nom de scène (de Smog à Bill Callahan), l’Américain avait commencé une nouvelle période de sa carrière. Et depuis Apocalypse, sublime disque sorti en 2011, il s’était lancé sur une nouvelle rampe. Un nouveau chemin qui lui permettait d’achever son plus beau disque, sombre, beau, définitif. Une poignée de titres sur lequel il cherchait l’épure, le mot juste, l’accord parfait. Alors, que faire après l’apocalypse ? Continuer le long de la Dream River. Sortir un album qui poursuit le chaos par une errance, une rêverie. Encore une fois, Callahan revient aux racines de la folk et de la country, en dessinant en huit titres une cartographie de la nature américaine. Cette fois, il se fait plutôt trappeur, cherchant les restes de vies dans un monde en lambeaux.
Mais que l’on mette quelque chose au clair tout de suite: ce n’est pas parce que Callahan marche vers le minimalisme qu’il tourne en rond ou qu’il se trouve des automatismes. Au contraire, Dream River est d’une richesse éblouissante, parsemé d’idées géniales et de paroles bouleversantes, ces mantras dont lui seul a le secret. La voix en est le principal instrument, cette voix qui peut donner aux mots “beer” and “thank you” du premier titre (“The Sing”) mille et un sens. Elle s’entoure d’arrangements fins et d’instrumentations riches. “Javelin Unlanding” est une balade dans la plus pure tradition de Callahan, où les guitares, la flûte, le violon et les percussions dansent entre country et pop. Au détour d’un titre, un riff évoque le bruissement de feuilles, une course sauvage, et Bill de s’affirmer comme le Walden du rock qu’il a toujours été. Les boucles musicales que forment Dream River ne sont que la continuité des obsessions qui ont toujours hanté sa musique : le temps qui passe et les traces qu’il laisse sur l’individu. Sur “Seagull”, il chante “And how far have I got in circling and circling and circling?”
De la mélancolie, de la solitude, il y en a dans chaque titre de Dream River, parsemée des touches d’humour qui ont toujours traversé ses disques. La solitude de celui qui sort un disque à contre-courant: peu de titres, peu de paroles, peu de tout. Un disque lent dans une course musicale de plus en plus frénétique. Un nouveau chapitre qui laisse le chemin entièrement ouvert à Callahan pour l’avenir. Aucun doute qu’il trouvera une nouvelle direction, une nouvelle note qui déroulera une nouvelle poignée de titres parfaits. Plus Bill Callahan s’approche du minimalisme, plus ses albums se gorgent de sens, de beauté, de richesse. Un beau paradoxe.