Doudoune en été
JeanJass
Il y a quelques semaines, on s'extasiait devant le retour aux affaires de Caballero le temps d'un très solide EP. Et comme la weed ne tombe jamais bien loin du plant de cannabis, c'est aujourd'hui son BFF JeanJass qui affiche en solo une forme olympique. Mais tout cela n'a finalement rien d'une surprise : entre le très bon Hat Trick, le premier volume de Zushiboyz et un Grunt #49 qui a bien mérité son million de vues sur YouTube, on a bien compris qu'il se passait quelque chose de fort chez le natif de Charleroi. Une aisance qui lui permet d'être au niveau de son comparse dont on a toujours vanté la supériorité technique et lyricale, tout en restant fidèle à son écriture, touchant dans ses imperfections. S'il est moins extravagant que Caba le fulgurant, JJ peut s'appuyer sur une belle musicalité, et un flow aérien qui épouse parfaitement les contours de ses propres productions.
Dix titres donc, pour un peu moins de 30 minutes de musique sur ce Doudoune en été qui se montre aussi généreux que spontané : si côté featurings c'est un sans-faute (S/O à Fuku et Tuerie), c'est évidemment la façon avec laquelle JeanJass déambule sur son propre terrain de jeu qui fascine. S'il n'a rien perdu de sa science du hook ("Roberto Baggio" avec Youssoupha) et de l'egotrip ("Gratuitement"), c'est lorsqu'il choisit de s'écarter de sa zone de confort qu'il semble prendre le plus de plaisir, comme pour se prouver qu'il est capable de se faire confiance en toutes circonstances. Ce qui lui réussit ici énormément : sur "Dans le mur", il sample une grosse guitare tout droit sortie d'un obscur disque de psych-rock, et il réussit même l'exercice casse-gueule du morceau G-funk sur "le Six".
Enfin, et parce qu'il est difficile de ne pas en parler, l'album se termine sur un "Premier jour" d'anthologie, qui réunit en 4 minutes à peu près tout ce qu'on aime chez JJ : sa simplicité, la proximité qu'il crée avec l'auditeur, et ces petits éclats d'égo qui font toujours mouche. Résolument bigger than rap, JJ n'est jamais aussi pertinent que quand il laisse parler son cœur sur la prod, rappelant au bon souvenir d'un Akhenaton au sommet de son art, en équilibre permanent entre humilité et excentricité. Alors certes, JJ doit encore franchir quelques paliers pour écrire son "Quand ça se disperse", mais avec Doudoune en été, il semble se donner plus que jamais les moyens de ses ambitions, enterrant le fanfaron un peu gauche des années Double Hélice pour révéler l'adulte qu'il est vraiment - une personne touchante, et plus bousillée de rap que jamais.
En 2022, il ne fait aucun doute que JJ et Caba vivent leur meilleure vie, artistiquement parlant du moins. Et à l'heure où l'on publie ce papier, il semble que la sortie d'un second volume de Zushiboyz soit imminente. Autant dire qu'on n'a pas fini de parler du formidable run de deux Belges, qui ne sont jamais aussi bons que quand ils ne jouent pas (trop) le jeu du rap de 2022, et quand ils roulent à 300% pour leur public et pour leur art. En tout cas, avec OSITO et Doudoune en été, on réalise combien le rap a besoin d'eux à leur meilleur niveau.