Double Ecstasy
Antwon
On ne va pas y aller par quatre chemins: sans être des habitués de lieux, on a l'intime conviction que cet EP d'Antwon, ancien punk reconverti dans le rap, évoque la moiteur des clubs de strip-tease interlopes. Pas de fioritures, pas de caresses inutiles: on va droit au slip parce qu'on n'a pas que ça à foutre. La vérité, c'est que sans être excitant, on a tout écouté avec une curiosité malsaine. Partagé entre l'envie de se casser vite fait mais dans l'incapacité de fuir, on a opté pour la moins pire des solutions : on a recommandé un whisky et on a regardé le spectacle en entier. Bien calé dans la fond d'un siège en simili cuir, on s'est enfilé 20 minutes d'un show parfois dérangeant mais régulièrement obnubilant.
Dans le rôle du receleur de beats, on retrouve Lars Trolfer (l'architecte du Death Magic de HEALTH, c'est lui). Se délectant de chaque kick, Antwon démontre tout son aisance à se ballader sur des prods lourdes et sombres. Alors que sur la forme, on est plus proches d'une version grossière de Run The Jewels ; sur le fond, c'est les vieilles recettes du juke de Chicago qu'on recycle - le sexe, les gros paquets de thunes et les drogues synthétiques. Entre deux pilules, le natif de San José cherche l'âme soeur dans le club ("Luv") ou les gros billets ("100k") se souciant toujours de savoir si son t-shirt n'est pas trop dégueulasse ("Dri Fit").
Avec ces 5 titres, Antwon prouve que même s'il a changé de core business, il a toujours son mot à dire dans le milieu underground. A bien écouter la discographie d'Antonio Williams depuis sa première mixtape en 2011, on sent bien l'évolution d'un hip-hop somme toute conventionnel vers un un truc aux visées plus expérimentales, où flow rugueux et productions électro se font la nique. Là ou le bât blesse, c'est que ces fameuses prods sont parfois inégales. Dans le cas présent, si la magie opère sur les 3 premiers morceaux ("Luv" reste le single absolu), les deux derniers titres rendent plutôt mal les intentions de l'artistes et commencent à fatiguer au bout de quelques écoutes.
Anticon s'est fait une bonne réputation avec des têtes comme DoseOne, Serengeti ou Jel qui ont toujours prôné la remise en question de barrières de styles. Sans accomplir quelque chose de grandiose ni de révolutionnaire, Antwon a le mérite et les couilles d'avancer une proposition alternative au hip-hop formaté qui domine les charts d'aujourd'hui. En toute franchise, cet EP ne marquera pas l'histoire du rap game mais si t'en as marre d'entendre des geignements autotunés alors fais-toi plaisir, et offre-toi une petite lapdance en compagnie d'Antwon. Tu ne passeras peut-être pas la meilleure soirée de ta vie, mais c'est toujours mieux que deux heures de TPMP.