Don't Think
The Chemical Brothers
Hormis les trentenaires comme l'auteur de ces lignes, on se demande parfois qui peuvent encore intéresser les Chemical Brothers. A une époque où le big beat n'est plus qu'un souvenir lointain et où ses principaux fers de lance ont sombré dans l'oubli, les deux Anglais font figure de dignes résistants. Et pourtant, en visionnant le DVD de Don't Think, on réalise l'importance actuelle d'un binôme qui ne se borne pas à faire remuer le cadavre purrulent du genre big beat. Parce que là où les Propellerheads et autres Fatboy Slim ont vite périclité, victimes de leur aveuglement ou de leur incapacité à manier d’autres styles, les frères chimiques sont parvenus à faire évoluer leur musique avec leur époque, ne reniant jamais vraiment leurs origines, mais lui insufflant cependant suffisamment d’oxygène pour ne pas crever la gueule ouverte : breaks hip hop, lignes de basse housey, remontées aciiid ou volutes psyché, tout ou presque y passe. Et c’est finalement en s’enfilant ce Don’t Think, ambitieux combi CD/DVD, que l’on réalise toute l’importance d’un groupe qui s’attire encore aujourd’hui les faveurs d’un large public, et qui plus est de tous âges.
Un peu à l’image du désormais classique Alive de Daft Punk, Don’t Think est un véritable tour de force doublé d’une belle rétrospective. Tour de force, car comme le duo Guy-Manuel de Homem-Christo/Thomas Bangalter, Tom Rowlands et Ed Simons ne se limitent pas à piocher allégrement dans une riche discographie; il fusionnent celle-ci dans un grand bain de BPM qui évoque forcément le concept un peu fumeux de mash up sans pour relever le côté bancal de celui-ci. Alors plutôt que de perdre de vaines minutes à essayer de décrire la chose, on s’en remet aux mots de notre rédacteur Simon, qui décrivait Alive 2007 en des termes qui collent parfaitement à Don’t Think : « S’évertuer à comprendre la sévérité d’un tel travail manquerait de finesse au vu de l’insouciance avec laquelle est jouée chaque transition. […] Ici tout est broyé, malaxé, ralenti puis accéléré, démonté jusqu’à ce qu'il n’en reste rien, puis finalement recraché avec une jeunesse toute retrouvée. Et c’est bien là qu’apparaît le coup de force le plus stupéfiant de l’ensemble. Car à en voir le résultat, il nous apparaît avec frayeur que le chemin parcouru jusqu’ici résonne avec une cohérence tout droit sortie de l’enfer. » Voilà, c’est ça Don’t Think, une monolithe EDM qui se place au-dessus de la mêlée histoire de traverser les époques sans se faire emmerder par les conventions. Et c’est donc forcément un truc qui vous retourne les tripes et vous use la corde sensible jusqu’à l’os. Et vous n’avez pas encore maté le DVD…
Parce que là aussi, on se fait plaisir. Enregistré au Fuji Rock Festival pendant l’été 2011, cet objet qui a eu les honneurs d’un passage sur les grands écrans du globe est un délice pour les yeux et les oreilles. Sensiblement plus long que le CD (on va ici chercher dans les 90 minutes), la version DVD de Don’t Think permet à Adam Smith, collaborateur historique du duo, de démontrer combien son travail visuel s’accommode d’un show que les Chemical Brothers ont voulu en mode rouleau compresseur. Une impression qui est d’ailleurs renforcée par un montage qui ne prend heureusement pas le parti de la démesure ou de la surexcitation et place le spectateur au cœur de l’expérience live. Bref, dans un format comme dans l’autre, Don’t Think donne dans le carton plein et l'épanouissement sensoriel. Vous avez dit "leçon"?