Dogrel
Fontaines D.C.
« Dublin in the rain is mine - A pregnant city with a catholic mind »
Dogrel est le genre d’album qui vous agrippe la nuque dès le pas de la porte. On se doute de ce qui nous attend et ce qui nous attend ressemble fortement à une gueule de bois étant donné le nombre de pintes qui nous sera servi.
Avec leurs impers trop grands et leurs fronts aplatis à force de s’appuyer contre la vitre du salon, les cinq gaillards de Fontaines D.C. correspondent parfaitement à l’idée que l’on peut se faire d’une jeunesse irlandaise négligée qui s’emmerde bien les jours de pluie.
Car, comme tout bon premier album de braillards, celui-ci est né de l’ennui, l’ennui entraînant la colère, la colère entraînant généralement la baston dans les pubs. Dans le meilleur des cas, la frustration se cramponne autour d’un manche de guitare et on a droit à un excellent groupe de post-punk qui a préféré trouver refuge dans les bouquins de poésie plutôt que de casser des nez à grand renfort de queues de billard.
Animé par l’affection qu’il porte à son île, ses collines luisantes autant que ses blessures mal cicatrisées, Grian Chatten (chanteur et parolier du groupe) donne l’air de partager ses petites histoires sans même espérer qu’elles puissent résonner au-delà de la Manche. Sauf qu’elles sont foutrement bien écrites, ses petites histoires. Pilonnées avec un engagement sans faille à travers le tapage administré par ses camarades de jeu. C’est cru et précis, romantique sans être niais, maussade et étrangement optimiste. Tout ce qu’on a envie d’entendre d’un groupe qui se jette pour la première fois dans la mêlée.
Dogrel enchaîne les titres qui sonnent au pire comme des singles accidentels, au mieux comme des classiques instantanés. Sans doute parce que la base semble familière (merci monsieur Curtis, merci monsieur Doherty, merci aussi messieurs Smith, Robert et Mark E.). Peut-être aussi parce qu’un bon refrain pop dégage toujours cet air de déjà entendu.
« My childhood was small - But I'm gonna be big » avertit Chatten dans le même morceau d’ouverture ("Big"). Malgré son nom de club de troisième division, Fontaines D. C. risque bien de concrétiser ses ambitions.