Does You Inspire You
Chairlift
En première écoute, mais en première écoute seulement, Chairlift peut évoquer ce que la pop large public a de plus « cocoonesque » : une fille, un garçon et une mélodie plutôt sympa et accrocheuse ; du genre de celles qui ont tôt fait d’être brandies par la publicité dans le but de s’arroger les faveurs d'une certaine jeunesse « bon chic, bon genre ». Or « Bruises », puisque c’est de ce titre qu’il s’agit, révélé par une célèbre marque de lecteurs mp3 au design épuré (que nous ne nommerons pas), est bien le seul représentant de ce courant sur Does You Inspire You.
En effet, si on reste coincé sur ce titre, on manque toute l’originalité de la plaque. Does You Inspire You explore les nuances du jeu vocal homme/femme avec beaucoup plus de subtilité qu’en apparence. La naïveté enfantine et les élucubrations romantico-adolescentes des standards du genre font place à des textes acidulés, à l’image de celui de « Garbage », qui, curieusement, font montre de pas mal d’amertume et d’ironie.
Outre les textes sans utopie aucune, c’est l’éclectisme des influences qui titille l’oreille. Chairlift se réapproprie souvent les glorieuses 80’s à coup de synthétiseurs grandiloquents comme sur « Planet Health » et « Evident Utensil ». On retrouve ainsi l’empreinte d’une Kate Bush ou d’un Depeche Mode fort bien assimilés, et le tout ne glisse jamais dans une mièvrerie rétro dégoulinante. Citons encore en vrac les 70’s glam d’un Bowie, les ritournelles cotonneuses de Windsor For The Derby (« Somewhere Around Here ») ou les envolées tendues de Björk (« Make Your Mind Up »).
On pourrait regretter par contre de tomber sans surprise sur les balades folks façon The Kills ou Raveonettes qui mettent en exergue les deux voix sur fond de guitare chorus presque toute nue («Don’t Give A Damn » ). C’est toujours très joli et ça colle bien à l’ambiance générale, mais ce filon-là a déjà eu sa dose de coups de pioches, et rien n’est plus triste qu’une chanson aux airs de passage obligé.
En somme, et outre le grain plus vaporeux de l’album, on peut dire sans trop risquer de se tromper que Chairlift, tout comme les Yeasayer, surfe sur la vague laissée par le sillage de MGMT avec pas mal d’inspiration. Non seulement ils proviennent également de Brooklyn et ils s’habillent n’importe comment, mais ils ont aussi un goût certain pour la « pop rétro » qui sait aujourd’hui si bien remuer les foules. On ne peut les en blâmer car, si Does You Inspire You a atteint pour un temps le saint des saints qu’est la pile de CDs de la salle de bain et que ma petite sœur n’hésite pas à me le piquer à l’occasion, ils ont réussi leur coup !