DJ-Kicks
Jayda G
On n’oublie pas la première fois que l’on a vu Jayda G passer des disques. Et là, je vous vois venir : votre regard monte de quelques centimètres, vous voyez le nom de Jeff et vous vous dites qu’on en tient encore un qui chronique avec sa bite avant de penser avec son cerveau.
Sachez toutefois que cette accroche n’a pas pour but d’être reliée à une quelconque plastique avantageuse dont aurait hérité la Canadienne, mais bien à la façon dont elle vit la musique, la partage avec son public : là où n’importe quel disque du catalogue Deewee ou le Special US Disco Mix de « The World Is A Ghetto » provoquent chez moi l’apparition d’un regard benêt et déclenchent des pas de danse plus proches du spasme épileptique que du déhanchement sensuel, Jayda G forme un irrésistible triangle amoureux entre elle, son public et ses platines, qui réceptionnent principalement des disques de soul, de funk et de house. Ainsi, la satisfaction que lui procurent les titres qu’elle sélectionne et la ferveur d’un public en chien font de ses dj sets des moments de pur bonheur qui, sur une échelle de la satisfaction, atteignent le niveau de cette vidéo intitulée « 35 Corgis To Get You Through Your Day ».
Aussi, et surtout au sortir d’une année aussi cauchemardesque, demander à Jayda G d’enregistrer un DJ-Kicks avait tout de la bonne idée – parce que franchement, dans les circonstances actuelles, qui a encore envie de se manger un set de I Hate Models ou Adam Beyer ? Alors Jayda G a fait ce qu’elle savait faire de mieux : un mix qui s’ouvre en mode « selector », sans le moindre enchaînement travaillé (nos débuts de journée ne sont plus les mêmes depuis que l’on a découvert « London Town » de Light of the World), et qui, après une bonne vingtaine de minutes, glisse vers des ambiances davantage club friendly et résolument house, où des titres de DJ BORING, HAAi ou Jayda G herself (son inédit pour la compilation, « All I Need », est impeccable) se tirent joliment la bourre, avant de penser à un atterrissage en douceur en compagnie notamment des chouchous de la maison que sont DJ Koze et Benny Sings – écoutez son petit dernier si ce n’est déjà fait.
À première vue, tout devrait aller dans le meilleur de monde avec cette sélection bien pensée, bien agencée et bien équilibrée. Sauf qu’il manque Jayda G - sa présence physique il s'entend. Il ne fait aucun doute que cette sélection lui ressemble, qu’elle l’incarne merveilleusement. Pourtant, à une époque où la personnification du DJ est devenue très problématique, Jayda G sert de contre-exemple parfait, elle dont le jeu de scène fait partie intégrante du spectacle, comme chez un Laurent Garnier ou une Nina Kraviz. Aussi, on ressort extrêmement frustré d’un mix qui ne tient pas toutes ses promesses, mais qui rend d’autant plus impatients à l’idée de retrouver Jayda G dans notre club favori.