Devil Music
Portrayal of Guilt
Sortir un album le 20 avril est généralement l'apanage du ganja gang, mais cette année, les gars de Portrayal of Guilt ont décidé que le Weed Day prendrait des airs d'Halloween. Les productions précédentes du groupe formaient déjà un corpus diabolique, mais la dualité intérieure de Devil Music détruit tout ce que les Texans ont fait en termes d'approche de l'abominable. La première moitié de l'album est typique de Portrayal of Guilt - du powerviolence teinté de black, de sludge, et de crust punk dont la misanthropie ferait pâlir Schopenhauer, et dont le groove dissonant n'a d'égal que l'immensité de la brutalité assénée par le trio.
Ça, c'est la première moitié de l'album - rien de bien anormal jusque là pour cette bande de tordus. La deuxième moitié s'enfonce par contre dans des territoires jusque-là inconnus. Pourtant, les cinq pistes de fin jouent les mêmes notes dans la même séquence que les cinq premiers titres, mais les deux parties sont très différentes dans leur représentation de la violence. Le chant écorché de Matt King est toujours présent, mais la musique perçante qui l'accompagne est désormais composée de cordes, de cuivres et de basses acoustiques,. Cette succession d'accords mineurs descendants était déjà sinistre, mais leur aspect hypnotique devient encore plus décoiffant lorsqu'ils traversent la moulinette de la musique de chambre. "Burning Hand" perd ainsi de sa puissance, mais devient plus inquiétant grâce à la tonalité terrifiante des cordes. Pareillement, l'urgence qui se dégageait d'"Untitled" se transforme en bande-so de l'imminence apocalyptique.
S'il n'y avait qu'un tout léger bémol à pointer, c'est que les climax n'apportent pas le même niveau de jouissance que ceux présents sur We Are Always Alone, qui parvenait à mélanger la violence effroyable du groupe avec les plus belles leçons de construction du post-rock. Ainsi, des titres comme "Burning Hand" se rapprochent de ce niveau, mais auraient gagné à être étendus pour être plus percutants. Néanmoins, la réimagination de titres en version "musique de chambre" est à elle seule un tour de force esthétique qui constitue l'une des plus belles formes avant-gardistes du metal extrême moderne. Portrayal of Guilt a toujours eu le potentiel de créer un album définitif, et si Devil Music n'est pas cet album, les gâtés sont sur la bonne voie.