Derdang Derdang
Archie Bronson Outfit
A l’ère du téléchargement plus ou moins légal, du mp3 de piètre qualité, du streaming pourri et de l’écoute zapping, c’est un plaisir tout particulier (et un privilège rare) de découvrir un groupe d’abord sur scène et de lui laisser toutes ses chances sans aucun autre à priori que les rumeurs qui bruissent aux abords de la salle. Il en fut ainsi pour ma pomme en ce qui concerne Archie Bronson Outfit, épatant trio londonien (quatuor à la scène) ayant fait de très belles étincelles lors des dernières Nuits Botanique de Bruxelles. Tout commence par une ambiance, des silhouettes peu familières, un type qui s’installe devant un micro avec deux saxophones pendus autour du cou. Puis c’est un premier riff de guitare, un timbre de voix très particulier, presque plaintif, des intonations sèches, un univers qui se dévoile et la première comparaison qui vient à l’esprit, évidente ; il y a du 16 Horsepower chez ces gaillards, avec une bonne dose d’électricité en plus, et le saxo qui remplace l’accordéon.
Bien vite, la comparaison se fait (comme souvent) trop restrictive, les Anglais ayant amené un peu de leur pays dans leur musique aux consonances fortement américaines et dans leurs chansons teintées de blues crade et de country pas fraîche. Dans les périodes d’accalmie, on croirait entendre une sorte de I Am Kloot pas défraîchi, mal rasé et sentant des aisselles. Puis tout de suite, l’énergie reprend le dessus, de drôles de chœurs viennent résonner à la manière de chants rituels que de petits diablotins issus d’un bestiaire japonais pourraient aisément entonner tout en dansant autour d’un feu de bûcher (ce n’est pas non plus pour rien que l’une des chansons s’appelle "Rituals"). Bref on ressort de là avec des images plein la tête et c’est presque fébrile que l’on passe à la version studio. Or, surprise, ce deuxième album, mieux que son prédécesseur Fur, rend parfaitement cet univers tordu, électrique et fascinant. Les cinq premiers morceaux, notamment les singles "Dart For My Sweet Heart" et "Dead Funny", sont absolument exemplaires et réduisent à néant les prétentions de 90% des formations d’apprentis rockers que l’Angleterre cherche désespérément à nous vendre (Artic Monkeys en tête, même si les deux groupes partagent le même label, Domino).
Il y a bien une légère baisse de niveau à mi-parcours mais ce n’est que le temps de reprendre son souffle pour repartir de plus belle avec "Jab Jab" et surtout le fantastique "How I Sang Dang" qui résume à lui seul le disque : une complainte brutale, martelée par une batterie puissante et soutenue par une guitare se mélangeant parfaitement aux voix qui scandent « all this about dang dang derdang ». A l’instar de leurs potes de Sons And Daughters, Archie Bronson Outfit écrit la bande musicale d'une Angleterre moderne, ouverte sur l’extérieur et débarrassée de ses obsessions passéistes. La très grande classe !