Depression Cherry
Beach House
Le rock est comme une étape de montagne du Tour de France, c'est dur de passer le col : c’est long, tu souffres et une fois atteint le sommet c’est la descente. Et en règle générale, ça va vite. Ne nous ne méprenons pas, on adore Beach House. Que les pisse-vinaigres qui n’ont jamais rien compris à ce groupe retournent écouter de la synth-wave biélorusse ou du shoegaze maltais. Mais après avoir tutoyé le nirvana avec Zebra et In Bloom il fallait se douter que nos deux fragiles Icare allaient finir par avoir un peu chaud aux ailes.
Ce qui est curieux, c’est que pour un album qui aura tout de même mis trois ans à naître, on a l’impression que le groupe est victime d’une grosse crise de fatigue. Tout cela peine à prendre de la hauteur, et face à la légèreté gracile à laquelle le duo de Baltimore nous avait habitué, le décollage tient davantage du Beluga que de l'A320. Le titre d’ouverture « Levitation » porte ainsi très mal son nom, avec ces boucles qui clouent le titre au plancher. « Sparks », premier extrait officiel, est quant à lui un titre honnête mais trop timide, et qui ne semble avoir d’autre ambition que celle de la recherche sonore là où le groupe savait autrefois si bien allier cet aspect à un vrai talent d’écriture et de composition.
Pour Depression Cherry, Victoria Legrand et Alex Scally avaient manifesté la volonté de revenir à la simplicité et au dépouillement des deux premiers albums. Force est de constater qu'on n’y est pas. Et même s’il y a un certain allègement de la production (rythmiques épurées, réduction des strates), Depression Cherry reste un album très léché, dans le sens clinique de l'expression. Quant aux mélodies, elles sont paresseuses et peinent à retrouver la superbe de leurs aînées. Les arpèges cristallins de Scally semblent user de ficelles désormais routinières et même la délicieuse Victoria se retrouve noyée, comme effacée, à part sur de trop rares titres où sa prééminence vocale arrive à nouveau à se hisser au-dessus du lot. Sur beaucoup de titres, le groupe sonne comme une pâle copie de lui-même, une version décalque à laquelle manquerait le coup de trait originel. Pour le dire plus trivialement, ça ressemble à un gâteau dans lequel on aurait oublié la levure et que non seulement tu vas bouffer péniblement mais qui va en plus va te rester sur le bide pour une bonne partie de la journée.
C'est triste à dire, mais au final Depression Cherry nous donne surtout envie de réécouter les anciens disques du groupe. Quand bien même tout ceci ne pourrait être qu'un faux pas, cela ne nous laisse pas très optimiste pour la suite. Sauf grosse prise de risque dans les années à venir, on a du mal à voir comment Beach House va pourvoir se sortir de ce marasme et de cette méforme. Et le souci, c'est que contrairement au Tour de France, le dopage ne donne pas forcément de bons résultats dans une carrière musicale.