Death Race For Love
Juice WRLD
Vous est-il déjà arrivé de vous demander pourquoi, de nos jours, être rapide est vu comme une qualité alors que prendre son temps semble être le pire des défauts ? Votre CV indique-t-il que vous "apprenez vite", ou que vous vous "adaptez vite" ? Cédez-vous régulièrement aux appels de Ronald McDonald, du Colonel Sanders ou de n'importe quel autre fast-food de ce genre ? Pire encore, vous arrive-t-il de vous plaindre de la vitesse du service dans ces restaurants ? Vous êtes vous réellement demandé pourquoi l'on préfère systématiquement ce qui trace à ce qui est lent ? Eh bien, Juice WRLD non plus. Il n'a pas le temps. Comme Faf La Rage à l'ancienne.
L'année 2018 a été celle de la découverte, de la surprise et de la consécration pour le chanteur originaire de Chicago, qui entre dans le moule tendance qui le situe entre les ambiances sombres d'un Future sous Xanax et le rock niais de l'écurie Fueled by Ramen, des Fall Out Boy à Paramore. Juice WRLD est le chaînon manquant entre ces deux mondes et personnifie assez bien cette nouvelle génération de rappeurs complètement désinhibés par l'aspect chanté, "fragile", dont l'expression des sentiments les plus profonds est quasiment essentielle, mais qui sont néanmoins parfaitement capables de bousiller une instru boom-bap si l'occasion leur est donnée. Il n'y a qu'à écouter son freestyle d'une heure chez Tim Westwood (ou celui de quinze minutes chez Mouv' si vous n'avez pas le temps) pour s'en convaincre. Ensuite, il suffit de lancer ce nouvel album pour avoir un dense aperçu de la tendance N°1 du pays d'Oncle Sam.
Death Race For Love est une ode à la vitesse. Il dresse le portrait d'une jeunesse éparpillée, instable voulant toucher à tout comme pour briser l'ennui. Les jeux vidéos, les femmes, la violence et la drogue : un cocktail de non-sens pour des enfants dont le plus grand mal a été de grandir trop vite. Les relations amoureuses les relations humaines, la vie... tout s'accélère jusqu'à en perdre de vue l'objectif principal. Cherche-t-on réellement l'amour, comme le titre de l'album l'indique, ou cherche-t-on simplement, comme dit précédemment, à tromper l'ennui, la morosité de la vie inhérente au train de vie classique du monde occidental ? Y a-t-il une réelle différence entre ces deux propositions lorsque l'on est âgé de 20 ans, à l'instar de Juice WRLD ? C'est là la plus grande réussite du disque : parvenir à nous (re)plonger dans cet univers où les conséquences semblent n'être que des mirages et où chaque émotion, agréable ou non, semble n'être qu'un checkpoint vers une autre. Parvenir, en somme, à faire de la vitesse le moteur et la quête principale de l'aventure romantique contemporaine. En tant qu'interprète, Juice WRLD est un pilote instable, tantôt idiot, tantôt brillant, rarement assommant bien que tournant autour du même rond point conventionnel un peu trop souvent durant cette course effrénée vers le néant... Ou vers l'amour. À vous de voir.
La légende dit que sur son lit de mort, alors âgé de 88 ans en 1849, le peintre japonais Hokusai aurait prononcé ces mots : "Encore cinq ans de plus, et je serais devenu un grand artiste"... Aux USA en 2019, Juice WRLD en est devenu un en moins d'un an. Hokusai, Juice WRLD n'a pas ton temps. Mais tes t-shirts chez Uniqlo sont top !