Death Peak
Clark
S’il y avait un seul et unique adjectif à accoler à Chris Clark ce serait certainement «imprévisible». Cela fait désormais 16 années que le pensionnaire de chez Warp Records expérimente, tente et explore des horizons nouveaux à chaque sortie, avec de brillantes réussites (Body Riddle, Turning Dragon), d’autres choses plus dispensables (Totems Flare, Fantasm Planes) et même certaines choses qu’on aimerait oublier (Iradelphic).
A chaque nouvelle sortie monte en nous une légère appréhension, mâtinée d’un espoir secret de revivre les moments de génie entendus sur Body Riddle. Cette roulette russe, il faut savoir vivre avec lorsqu’on apprécie le travail de Clark. Cet art du contre-pied permanent est largement contrebalancé par la patte du producteur britannique, reconnaissable entre mille avec ses sonorités IDM, electronica et techno. Au final rien ne ressemble moins à un album de Clark qu’un autre album de Clark, mais rien ne ressemble plus à un album de Clark qu’un autre album de Clark.
De ce point de vue, Death Peak, nouveau long format du néo-berlinois, ne déroge en rien à cet étrange paradoxe. On retrouve de nombreuses similitudes avec ses précédents albums, notamment ce penchant pour des compositions grandiloquentes occupant pleinement l’espace, à l’instar d’un « Butterfly Prowler ». Chris Clark a également accentué ce souci de proposer des mélodies toujours plus accessibles et directes, à l’image de « Peak Magnetic » ou « Slap Drones », qui font pleinement écho à « Water Linn » ou « Unfurla » sur l’album précédent. Jouant la carte de la continuité, Death Peak creuse un peu plus le sillon rave entamé sous Turning Dragon. Death Peak ne serait donc qu’une version « ++ » des précédents travaux de Clark ?
Non, car ce nouvel album a un petit plus qui le rend encore plus percutant, une forme d’ « instinct » et de naïveté retrouvés, déjà entraperçus sur son album éponyme, et qui prennent pleinement leur envol sur Death Peak. Là où la musique de Clark pouvait parfois donner l’impression de se restreindre dans ses possibilités ou d’aller vers d’inutiles complications, Death Peak est d’une foudroyante simplicité dans l’écriture. Une simplicité qui s’ajoute à une palette de nuances et une explosion de mouvements sonores, merveilleusement symbolisées par le morceau de clôture « Un U.K ».
Clark déploie pleinement son talent, voguant indistinctement entre techno maximaliste et IDM mélodieuse, pour finalement se perdre sur des plages electronica. « Hoova » est la preuve la plus éclatante de cette palette complète : l’intro débute sur un kick techno rigide et brutal avant d’enchaîner sur un long passage rave pour enfin s’achever sur une ambient colorée. Bien que chaque morceau déploie une identité propre, la cohérence globale de l’album n’en souffre aucunement tant les morceaux s’imbriquent les uns les autres et s’enchaînent avec une facilité déconcertante. La transition d’ « Aftermath » à « Catastrophe Anthem » puis à « Living Fantasy » est à ce titre plus lubrifiée que jamais.
Certainement le plus accessible des albums de la discographie de Clark, Death Peak reste une vraie performance pour un artiste qu’on avait trop rapidement enterré il y a quelques années. Nous voilà ravis de nous être si lourdement trompés.