Death Lust
Chastity
Heureuse coïncidence que la parution d’un tel album en plein été, tant celui-aura contrasté en tout point avec l’ambiance générée par nos mélanomes en cours d’édification et nos hormones ébouillantées par le chatouillement des rayons ultraviolets. Un disque en totale contradiction avec son contexte de parution donc, mais dont on ne saurait nier l’influence sur notre quotidien estival - le mien se résumait à trainer fièrement en slip en quête d’une partenaire à inséminer - vu le coup de massue asséné par Chastity sur le triste game du « tube de l’été ».
En effet, à l’heure du diktat de la bonne humeur partagée, Chastity n’hésite pas à nous tirer par le slip pour nous rappeler à notre terrible condition de sombre merde, et le fait d’une manière telle qu’on ne saurait nourrir le moindre grief à leur égard. Car derrière sa pochette transpirant la sérénité, Death Lust est un album d’une effroyable vigueur et d’une noirceur absolue, sorti tout droit de l’encéphale sans doute un peu malade d'un certain Brandon Williams.
Parce qu’il est bien temps de l’avouer: Death Lust un album jouissif, aussi bien lorsqu’il s’autorise l’accalmie de ballades suicidaires que lorsqu’il tabasse à t’en éclater les hémorroïdes. Abrasif et caustique, le premier album du Canadien est un florilège de titres terriblement anxiogènes et addictifs, tutoyant des registres aussi variés que le grunge, le punk, la pop et le hardcore. Un cocktail assez bordélique donc, qui s’articule finalement de la plus efficace des manières sous la tutelle du Canadien.
Plutôt que de sortir les mitraillettes dans un lycée pour exprimer sa frustration, Brandon Williams parvient via ce Death Lust cathartique à exprimer son mal-être et celui de ses congénères, à travers une succession de titres tantôt doucereux, tantôt plus percutants qu’un crochet d’Alexandre Benalla. Une sombre ballade au coeur d’une province canadienne rongée par un sentiment de vacuité et d’inexistence, d’une jeunesse torturée par la conscience d’une mort omniprésente et inévitable. Un joyeux luron que ce Brandon Williams donc, qui réalise pourtant là un paradoxal et joli coup d’éclat au sein de la scène indie.
Si l’album s’ouvre sur un "Come" facilement abordable pour le commun des mortels et contient deux ou trois hits potentiels sous la forme de "Children" ou "Heaven Hell Anywhere Else", il ne tarde pas à dévoiler son côté ultra-violent. Et d’abriter également ce qui pourrait constituer le titre le plus intimidant de 2018 : "Chains". Pièce centrale et plat de résistance d’un album extrême, ce titre résume assez bien un disque où la sensibilité mélodique se heurte à l’envie de déchausser des molaires. Du coup, on ne peut qu’encenser Chastity face à une démonstration de force d’autant plus imposante qu’elle n’édulcore pas le propos en minimisant sa puissance de frappe mais assume toute la noirceur qu’elle véhicule. Le tout sans oublier de vous rappeler au passage que vous allez tous crever pathétiquement, et de vous saluer bien bas.