Dark Energy
Jlin
De nombreuses fois, on a ici évoqué l’arrivée en Europe du footwork américain (pour une rapide introduction, il suffit de lire cet article). Et on a souligné au moins autant de fois le rôle qu’a pu jouer un label comme Planet Mu dans l’expansion du genre sur nos terres. Car si des labels comme Hyperdub (au travers de l’insistance de Kode9 – voir ici, ici, ici ou ici) cartonnent aujourd’hui à tout étiqueter « footwork » ou que la scène electronica-blip-bloup-future-bass-tropical-prout-prout gave ses ambitions modernistes de snares et d’infrabasses, c’est avant tout grâce à un Mike Paradinas toujours en avance (en même temps, il nous avait fait le coup avec le dubstep en 2005), lui qui a une fois de plus choisi de poser ses burnes sur la table avant tout le monde.
Et si le désamour européen d’autrefois pour la rigidité du genre pouvait faire passer ce projet pour complètement délirant (Dj Nate ou Dj Roc peuvent en témoigner), aujourd’hui tout le monde est prêt pour s’enfiler du footwork à toutes les sauces. Le bazar est devenu soudainement incroyablement cool. Le genre a donc logiquement évolué, passant d’une musique fonctionnelle à quelque chose de plus diffus, de plus inscrit dans la masse des productions électroniques pour le tout-venant. L’esprit originel se perd un peu, comme toujours en pareilles circonstances, mais peut encore compter sur trois garde-fous solide pour rappeler à tous la puissance d’un run de danse de deux minutes sous amphétamines : le crew Teklife à Chicago, Hyperdub et Planet Mu, label qui sort l'album qui nous occupe.
Evolution et rigueur, et entre les deux un vide qui peut se combler à condition d’aller chercher sa came chez les meilleurs équilibristes. Jlin doit être de ceux-là. Découverte brièvement sur la deuxième compilation de la série Bangs & Works (Planet Mu, toujours), la productrice de l’Indiana arrive pour casser des gueules sans nécessairement demander son reste. Dark Energy est une vraie soufflante dans les bronches, une merveille de rigueur qui évolue néanmoins dans un univers rythmique extrêmement riche. Côté claviers, c’est véritablement névrotique. Monté sur des gimmicks mélodiques quasiment gabber, l’évolution du disque va vers toujours plus de violence mentale, d’évocation froide et de danse mécanisée, si bien que les quarante minutes de cette plaque assomment plus que tout le reste de la scène. On est loin des ambiances r’n’b répétées ad nauseam, ici on fait dans la succession de Fatality made in Mortal Kombat (les références au jeu sont d’ailleurs nombreuses). Un disque racé, qui respecte les aînés en leur montrant qu’on peut encore aller plus loin dans l’exploration du genre. Un truc de surdoué quoi.