Curiosity
Wampire
L’indé américain, ce sont évidemment quelques grands labels dont on parle suffisamment à longueur d’année. On pense à des maisons du prestige de Matador, Merge ou Sub Pop. Et puis à côté de ces molosses, on trouve une chiée de structures que l’on qualifiera (affectueusement) de « seconde zone » et dont le rôle semble principalement d’alimenter le marché en disques qui, à défaut de générer des expériences cathartiques chez l’auditeur, procurent suffisamment de satisfaction pour qu’on suive leur actualité, au demeurant souvent foisonnante.
Dans cette constellation de seconds couteaux magnifiques, on épingle aujourd’hui Polyvinyl, label de Portland dont les récents coups d’éclat se nommaient Japandroids, Of Montreal ou Xiu Xiu. A côté de ces leaders évidents, on trouve sur Polyvinyl un beau paquet de formations dont l’intérêt pour l’auditeur européen lambda frise souvent avec le zéro. Disons que le chroniqueur musical a lui l’avantage de voir ces disques atterrir dans sa boîte aux lettres, sans quoi il ne prendrait probablement jamais le temps d’y jeter une oreille. Alors autant vous dire tout de suite que si le Curiosity de Wampire se retrouve chroniqué dans ces pages, c’est qu’il mérite qu’on y jette s’y attarde un peu.
Avant de poursuivre, vous devez savoir que ce genre de galette est un cauchemar pour le scribouillard à la petite semaine : pour commencer, le duo Rocky Tinder/Eric Phipps sort de la scène indé d’une ville dont on ne connaît rien si ce n’est son équipe de NBA (Portland en l’occurrence). Ensuite, comme pas mal de ces groupes plein de bonne volonté mais pas vraiment enclin à la révolution copernicienne, on sent que les influences réunies sur le bien nommé Curiosity ont fait l’objet d’une grosse séance de shopping : Wavves, les Strokes, les Flaming Lips, MGMT ou John Maus semblent être autant de groupes qui suscitent pas mal d’admiration chez Wampire.
Après, il n’y a évidemment plus qu’à passer le tout au shaker et espérer qu’on ne se retrouve pas flanqué d’une indigestion carabinée. Cela tombe bien, les neuf titres de cet album qui a le bon goût de ne jamais jouer les prolongations se mangent sans faim. C’est surtout avec ce genre de disque que l’on peut observer le gouffre qui sépare ces innombrables groupes de chez nous qui peinent à pondre un disque influencé par l’indie US de ces groupes américains qui, même lorsqu’ils ne jouent pas les premiers rôles dans nos iPods, ont cent fois plus d’élégance que ne pourront jamais espérer en avoir nos compatriotes qui ont autant de mal avec l’art de la composition qu’avec la maîtrise de la langue de Shakespeare.