Cupid's Head

The Field

Kompakt – 2013
par Jeff, le 15 octobre 2013
7

Le problème des surdoués, c’est qu’ils manquent souvent d’un environnement propice à leur épanouissement. La moyenne les tire irrémédiablement vers le bas et oblitère l’éclosion d’un potentiel immense. Dans le petit monde de la techno, Axel Willner fait à l’évidence figure de prodige. Quand le Suédois a débarqué sur Kompakt avec sous le bras son premier album (From Here We Go Sublime, en 2007), on a vite fait de se perdre en superlatifs – et à très juste titre d’ailleurs. Avec ses boucles droguées et infinies, le producteur nordique a fait souffler un vent de liberté sur une scène qui a trop souvent tendance à regarder son nombril ou se complaire dans l’immobilisme. Le problème, c’est que malgré une formule d’une rare simplicité, The Field n’a jamais trouvé de concurrent digne de ce nom. Un type capable de le faire muer en quelque chose d’encore plus cathartique. En l’absence d’un tel rival capable de générer une saine émulation, Axel Willner n’aura naturellement jamais été poussé dans ses derniers retranchements, se bornant alors à décliner une formule.

Mais avec Cupid’s Head, on se disait qu’on allait  enfin voir The Field revoir sa copie, pour le meilleur. Un communiqué de presse annonçant un quatrième album « plus sombre, plus lent » tout d’abord, et une pochette qui abandonne pour la première fois cette couleur crème qui la rendait immédiatement identifiable ensuite. Pourtant, il ne faudra qu’une seule écoute pour se sentir légèrement trompé sur la marchandise. Malgré l’un ou l’autre effet de manche essayant de nous faire croire à une révolution de palais, Cupid’s Head s’inscrit dans la continuité des précédents efforts: mêmes claviers rêveurs, même échappées technoïdes au long cours, mêmes combats permanents entre ombre et lumière, mêmes sentiments de soumission devant la dynamique de composition. Car c’est peut-être là que réside tout le problème de ce troisième album : aussi critiques voudrions-nous être, The Field reste un surdoué, un type qui maîtrise comme personne une formule qu’il a lui-même perfectionnée au fil des ans.

Après, et en on revient à l’argumentaire de départ, celle-ci a beau être travaillée jusque dans les moindres détails, son utilisation répétée commence à être une source de lassitude. Certes, il y a suffisamment de bons moments sur Cupid’s Head pour ne pas hurler à l’arnaque, mais quand la resucée est trop évidente ou que, pire encore, le titre décolle péniblement, la lassitude laisse la place à une certaine exaspération. Exaspéré de voir un producteur pétri de talent refuser le progrès ou la prise de risque. Et au final, on se dit The Field est un peu comme le Nutella : t’aimerais tant goûter à d’autres plaisirs similaires, mais franchement, si c’est pour que ce soit de la merde…

Le goût des autres :