Creep On Creepin' On
Timber Timbre
Il y a quelques mois, Timber Timbre sortait de l'ombre pour nous offrir un très bel album éponyme, sombre et intense, qui devait hanter les platines pendant nos mois d'hiver neigeux. Et puis son successeur est apparu, très attendu par les amateurs de belle folk. Reprenant l'expression bien connue, "Keep On Keeping On", Timber Timbre ajuste à son propre univers cet adage cher à Bob Dylan et intitule son opus Creep on Creepin' On. L'univers du groupe est plutôt du côté de cette inquiétante étrangeté, plutôt flippante, comme son titre.
Là où leur précédent album jouait avec les codes de la folk pour instaurer un univers unique, épuré et un peu mystique, ce nouvel opus est le témoin d'une véritable évolution, d'une plongée plus profonde dans un style aux dimensions multiples. Plus tant de petites ballades étranges sur Creep On Creepin' On, mais des morceaux plus travaillés, avec des arrangements plus présents, longs et denses. Et pourtant, l'incroyable personnalité musicale du groupe reste intacte et nous laisse envisager pleinement la cohérence parfaite de ces compositions. Mieux encore, cette cuvée 2011 nous laisse encore plus rêveur quant à l'avenir du groupe et ne fait qu'asseoir un peu plus son statut de révélation folk.
Quand Timber Timbre flirte brièvement avec les cuivres sur la fin du très beau "Black Waters" ou sur "Do I Have Power", on pense à Tom Waits, à son univers plutôt proche de celui des Canadiens, à son incroyable carrière et à ses multiples évolutions. Tant de chemins que sera peut-être capable d'arpenter ce groupe amateur de compositions crépusculaires et singulières, traversées de fulgurances très inspirées ("Woman", "Lonesome Hunter"...), de petites pauses solaires ("Black Water") et d'étranges pistes plus expérimentales qui font office de ponctuation ("Obelisk"). Les deux derniers morceaux, "Do I Have Power" et "Souvenirs" sont les plus étonnants du disque, une sorte de clin d'œil pour nous montrer l'étendue des possibles qui s'ouvre devant le groupe, deux morceaux entre jazz étrange et expérimentation qui viennent conclure l'album sur une note d'étrangeté et de beauté.
Plus chargé, mais toujours aussi élégant, répétitif et entêtant, Creep On Creepin' On est le fruit d'une collaboration plus que réussie entre trois musiciens qui évoluent au gré de leurs envies, une étincelle au milieu de folkeux un peu tristes, à ranger entre les plus grands, entre Judee Sill et Leonard Cohen, entre Dylan et Bill Callahan.